Concerts

Pub Royal, le 7 décembre 2023 au Théâtre Maisonneuve

Dire que Les Cowboys Fringants ont fait la manchette dans les dernières semaines est un euphémisme. Hier soir avait lieu la première à Montréal de Pub Royal, la comédie musicale de la formation qui est parti pour un long bout étant donné que des supplémentaires en décembre 2024 ont été annoncées hier.

Photos d’Audrey Patenaude

La comédie musicale est un art compliqué où le théâtre et la musique se côtoient parfois pour le meilleur, mais trop souvent pour le pire. On parle bien ici de comédie musicale et non d’opéra rock comme ce que faisait Plamondon. Ce qui est un tout autre combat. Hier soir au Théâtre Maisonneuve, on a eu droit au meilleur.

Ah oui, à partir d’ici, je vais vous divulgâcher ça de manière phénoménale… soyez avertis.

Comprendre le terme « multi-disciplinaire »

Sébastien Soldevilla qui signe la mise en scène fait un tour de force en mélangeant habilement et en dosant avec justesse les dialogues, le chant, la danse et le cirque. Ce n’est pas une mince affaire d’ajouter du cirque dans une comédie musicale sans que ça fasse plaqué. Tout comme c’est rare que l’on voie des chorégraphies qui semblent à ce point-ci naturelles. Pub Royal est un ensemble complet qui arrive dans un pain bien condensé efficace.

La danse est particulièrement efficace, notamment le moment de locking de Sunny Boiverts qui représente l’émotion intérieure de Jonathan (le personnage principal). C’est magnifique comme moment scénique. L’image est puissante et le fait d’utiliser quelque chose qui est assez éloigné des Cowboys Fringants comme une danse relevant du hip-hop et réussir à trouver le point de rencontre entre les deux est pas loin du génie.

Le seul moment qui manque de fluidité est l’utilisation du harnais dans Pub Royal alors qu’on voit Alexia Gourd se placer pour le prendre et en redescendre de manière peu fluide. Ça fait un peu trop : voici un numéro, alors que tout le reste de la pièce réussit à brouiller les frontières entre les numéros.

Des interprètes convaincants

Richard Charest, Kevin Houle, Martin Giroux, Alexia Gourd, Emilie Josset, Christian Laporte et Yvan Pedneault sont tous excellents dans Pub Royal. Il semble que la mayonnaise pogne entre eux et leur complicité sur scène est exemplaire. Chacun brille à son tour au cours des deux actes de la pièce.

Les dialogues qui ont été écrits par Olivier Keimed offrent aussi de bons moments de vérité. Si ce n’était pour le niveau de langue qui est plus ou moins stable pendant la pièce, on passe d’un québécois soutenu frôlant le français normatif à un joual assumé par moment. Ce n’est pas clair pourquoi l’un ou l’autre est utilisé à tel ou tel endroit. D’ailleurs, je ne sais pas trop ce qu’un niveau soutenu vient faire ici alors que Les Cowboys Fringants ont toujours eu les deux pieds bien enfoncés dans la langue parlée d’ici. Mais à part fatiguer le monde qui a suivi des études en théâtre, ça risque de passer dans le beurre pour le commun des mortels.

S’approprier Les Cowboys

L’autre défi qui est relevé avec brio par l’équipe est l’appropriation des chansons des Cowboys Fringants qui prennent un nouvel air ici. On y retrouve principalement des pièces issues de La Grand-Messe et des albums suivant à l’exception de la percutante Joyeux calvaire qui met le ton dès les quinze premières minutes en présentant le personnage de Loulou Lapierre.

À de nombreux moments, la troupe a utilisé les effets de chœurs pour dynamiser les pièces et c’est terriblement efficace parce que les arrangements vocaux sont à point. C’est le cas pour Shooters ou encore D’une tristesse qui sont puissantes. Les numéros sont magnifiquement interprétés par les chanteurs, mais aussi par les danseurs et les acrobates qui ajoutent leur grain de sel au rendu.

Le souvenir trop frais de Karl Tremblay

Malgré le travail exemplaire de tous les interprètes, il y a tout de même cette réalisation qui s’impose à travers Pub Royal. Karl Tremblay était un excellent interprète. Il a réussi à faire siens les textes de Jean-François Pauzé d’une manière exceptionnelle. Et ça parait parce que c’est essentiellement ce que font tous les autres interprètes. Yvan Pedneault a beau avoir une technique vocale impressionnante, quand il chante l’Amérique pleure, ça n’a pas le cachet de Karl Tremblay qui arrivait à nous convaincre que ces mots-là sortaient de lui instinctivement. Ce n’est rien contre les interprètes, mais plutôt encore une fois une réalisation du monument qui est parti en novembre.

Pub Royal est une réussite sur toute la ligne et gageons que les supplémentaires qui viennent d’être annoncées ne seront pas les dernières. Le tout se termine sur la meilleure séquence d’applaudissement que j’ai vu de ma vie alors que les artistes continuent de jouer et faire des numéros de cirque tout en chantant en chœur avec le public Les étoiles filantes. Et ne reste sur scène qu’une photo des quatre Cowboys Fringants qui ne seront pas réunis avant belle lurette. C’est un beau testament à l’importance culturelle du groupe.

Crédit photo: Audrey Patenaude

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