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La Noce 2023 | Comment Debord, Gabrielle Shonk, Badbadnotgood, Narcisse, VioleTT Pi, P’tit Belliveau, Duu et Jan Verstraeten

Nous allons au Saguenay comme on part explorer une sorte d’Americana québécois, se définissant dans les champs lexicaux de l’odyssée et du royaume. Tu traces un parallèle entre le Saguenay et la ville de Concepción, nommée en référence à l’Immaculée Conception et où, dit-on, les meilleurs musiciens du Chili sont originaires.

Un imaginaire commun transcontinental où l’inspiration artistique est teintée de mystique et d’exceptionnalisme. Des lieux assez éloignés de la métropole, Santiago et Montréal, pour que ce soit possible de se développer une identité artistique propre ainsi qu’une véritable scène culturelle plutôt que de n’être qu’un simple dortoir de logements plus abordables en périphérie. Nous ressentons l’influence de cette Americana à La Noce; les musiciens qui n’interprétaient que leur nouveau stock lors des spectacles de lancement montréalais jouent de leur répertoire et P’tit Belliveau, accompagné d’un violoneux, chante L’arbre est dans ses feuilles de Zachary Richard alors que l’assistance s’agenouille de son mieux.

Nous estimons avoir des amis en commun avec trois personnes sur cinq, autant dans la foule et sur la scène. Des connaissances de party d’appartements, de lifts pour aller voir Zouz au Zaricot à Saint-Hyacinthe entre deux vagues pandémiques, de mosh pits softs pour « zoomers » dissociés de la crowd métal et punk, mais avides de contacts physiques, de groupes d’étudiants en musique qui s’inscrivent aux Francos même s’ils n’ont pas encore mis grand-chose sur Bandcamp.

Le « cégep-rock » est une sous-catégorie du genre indie. Ce sont des chansons émotives chantées avec la voix râpée aérienne des musiciens franco-québécois de notre âge avec une attitude « spit in the face of the people who don’t want to be cool ». On apprend à parler dans un micro en même temps que d’autres enseignent l’identité de genre à l’assistance dans une salle de spectacle de Chicoutimi-Nord.

Nous passons d’un spectacle à l’autre, tout en vibrant de la même manière et en ressentant le même amour universel. Dans la communion. Dans ce moment, juste ce moment. Nous cherchons des coins de verdures d’intimité dans les plaies d’érosion de La Pulperie qui vit intensément sa nouvelle réincarnation, après la pulpe de bois, l’électricité et les photographies de mariages moins hallucinés et passionnés que ceux à 10 piasses.

Je dessine un organigramme dans mon calepin pour t’expliquer VioleTT Pi :

lancer des fleurs;

invoquer Claude Gauvreau;

crier;

réciter la meilleure poésie de l’histoire de la chanson québécoise;

crier comme un signal pour un mosh pit de millénariaux avec encore leurs fleurs sur la tête;

en 2016, se chanter « je suis désabusé.e et j’abuse pour oublier » en prenant des edibles ;

amener un peu des micro-ouverts du Bistro de Paris au Saguenay;

crier comme un ptérodactyle;

avoir l’air d’un extraterrestre qui se dissimule parmi les humains;

P.-S. « mange ma marde ». 

C’est peut-être le coucher du soleil, la chaleur, le smog des feux de forêt au Lac-Saint-Jean ou les canettes de bière pointées du bout des doigts et échangées avec le petit change de nos sacs bananes, mais nous nous faisons des peurs avec les reflets des feuilles dans les éclairages multicolores saturant la musicienne échappée de l’univers médiatique de TVA.

Sur scène, les membres de Badbadnotgood ont les visages baignés de textures projetées. Une éternelle ambiguïté d’analogue et de simulacre virtuel d’émulsion détériorée. Une nostalgie générale : des villes pas trop intimidantes, des individus saisis hors du temps, du ressac et des nageurs d’un été de camping familial. Nous nous sentons liquides, oscillations et reflets de lumière. Nous nous attendons à ce qu’on nous roule bientôt en bas de la scène Sirius, où nous tomberons dans la rivière Saguenay jusqu’au Parc de La Petite Maison Blanche. Finalement le meilleur endroit pour s’embrasser en paix ou laisser une histoire locale de jeunes excités morts d’un accident bizarre? Détrempés, nous irions alors au off pas officiel du festival au Bar à Pitons, chercher le feu de tub ou une sécheuse oubliée du temps de l’auberge.

À 2h du matin, la pilule de sativa kick finalement et, comme des zines sérigraphiés bleus et rouges, nos rêves fiévreux inspirés du festival. Ils prennent la forme d’une notification pour un « Party Pâtes et Papier (PPP) » annulé qui devient une légende urbaine, une métaphore de l’expérience de trop qu’on ne veut pas nous laisser goûter.

*Texte inspiré (dans le désordre) des spectacles présentés à La Noce 2023 : Comment Debord, Gabrielle Shonk, Badbadnotgood, Narcisse, VioleTT Pi, P’tit Belliveau, Duu et Jan Verstraeten.

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