Cette seconde soirée de l’édition 2021 du festival Diapason fut qualifiée d’historique par Calamine alors que la scène de la rue Nadon aura chaleureusement accueilli trois rappeuses qui prennent brillamment d’assaut cet univers depuis trop longtemps qualifié de boys club. Suivie par Marie-Gold et Naya Ali, elle a démontré que sa voix, son énergie et ses textes méritent amplement d’être tapissés en gras sur la place publique. Pour ma part, à la suite de sa performance endiablée, j’ai assisté au spectacle de Matt Holubowski. Sans plus tarder, en voici le compte-rendu.

Calamine

Calamine, Julie de son prénom, a une façon bien à elle de traiter de sujets qu’on pourrait qualifier de « woke ». Autrement dit, elle aborde des thèmes qui allument des phares sur certaines questions sociétales et qui éveillent les consciences. C’est au travers d’un amalgame de jeux de mots et de tournures de phrases enchaînées avec brio sur des productions rap jazz de qualité qu’elle parvient à nous faire vibrer. En studio comme sur scène, bien qu’on y trouve quelques divergences entre les deux au niveau de rendu, on s’y plonge rapidement, épris de cet heureux sentiment que des artistes peuvent divertir et changer le monde politique (celui avec un petit «p») en même temps. 

Accompagnée par trois musicien.nes dont Valérie Lachance-Guillemette, saxophoniste qui fut pour ma part une belle révélation, la chanteuse d’Hochelaga a joué quelques excellentes pièces de son répertoire tout en nous réservant de nouvelles compositions. Gouine officielle fut l’une d’entre elles, chanson qui sonne pas mal West Coast dans sa production. J’ai cru entendre que le prochain disque était déjà écrit… Ça promet!

Dans leur élément, ils ont transmis leur fibre en nous donnant chaud, à nous en sentir collant, les sens collés sur scène pour ne rien manquer de ce quatuor vêtu tout un chacun d’au moins un accessoire au motif léopard. Ces derniers ont donné l’envie au public de bondir tout au long de leur prestation. En entamant la soirée avec Dans le bout.E du stade, sacoche stylée de Marie-Gold à l’épaule, on savait déjà que l’ambiance serait festive. En enchaînant avec Les 4×4 et J’ai tout c’qui m’faut, c’était l’occasion rêvée de goûter plus amplement à Boulette Proof, son plus récent album. Pour ce qui est du reste, la sensuelle Jean-Talon et la grosse production de PIBaby auront retenu l’attention en déplaçant l’air nécessaire pour respirer fraîchement dans cette savane où une poignée de spectateurs ont su tirer humblement avantage de sa présence au festival.

Matt Holubowski

Que dire de la performance de Matt Holubowski et de ses musiciens où figurait notamment Stéphane Bergeron, membre de Karkwa? Parce qu’il faut se lancer quelque part, je dirais que ce qui a le plus retenu l’attention, c’est l’aisance avec laquelle ces derniers sont parvenus à nous faire voyager, à nous envoûter dans de grandes ballades progressives comme dans des moments rock disjonctés. Un instant, la douceur des mélodies plongeait le public dans une profonde méditation avant de passer à des moments où on aurait certes pu imaginer un mosh pit.

Naviguant au travers d’un large registre qui s’étalait sur l’ensemble de sa discographie, Holubowski et sa bande nous ont cloués sur nos sièges pour nous faire vivre de véritables montagnes russes. C’est comme si on se faisait prendre par la main, pour éventuellement être lancé dans le vide, dans une bulle où toutes les textures entendues permettaient de flotter sur un nuage astral. Des chansons comme Thoroughfare, Around Here et Eyes Wider, toutes issues de Weird Ones, ont certes retenu l’attention, mais au-delà de cette nomenclature de chansons (parce que je pourrais toutes les nommer), c’est surtout des petits détails qui ont forgé ces élans passionnels. Ces petits détails, les voici : le délai bien calculé dans la voix feutrée de Holubowski qui sonnait comme Thom Yorke par moment, une batterie métronome qui guidait autant les têtes dansantes que les tapements de pied, une violoncelliste, un guitariste et un bassiste ô combien dans leur élément, un merveilleux solo de piano, un autre de guitare acoustique, la présence de moments purement instrumentaux, des transitions à en perdre la boule et pour clore cette énumération sans fin, plusieurs minutes de pur bonheur où le tangible et l’intangible ont semblé croisé le fer pour nous enivrer dans une longue composition hautement onirique à en transcender de son propre corps.

Lisez aussi le compte-rendu de la première soirée avec Virginie B, Ghostly Kisses et Patrick Watson.

Crédit photo: Camille Gladu-Drouin