Les albums parfaits des 90s
Beastie Boys — Check Your Head (1992)
Capitol Records
Trois années se sont écoulées depuis la parution de l’étonnant Paul’s Boutique. Désormais, les Beastie Boys sont libérés — créativement parlant. Moins foisonnant en échantillonnages de toutes sortes, Check Your Head présente pour la première fois des contributions instrumentales : Ad-Rock joue de la guitare, MCA, de la basse, et Mike D officie à la batterie. Résolument hip-hop, l’album nous plonge parfois dans les racines punk et rock du trio, établissant ainsi les bases du son éclectique qui définira à jamais les prochaines créations. Un groupe inattaquable. (SD)
Liz Phair — Exile in Guyville (1993)
Matador
Au début des années 1990, Liz Phair était l’archétype de l’artiste sous-estimée, telle une Rocky dans la scène musicale de Chicago. À la fois admirative et intimidée par les gros poissons de sa mare, mue par un besoin avoué de créer quelque chose qui ne pourrait être dénigré par personne, Phair a créé quelques démos sous le nom Girly Sound avant de se faire remarquer par les disques Matador, auprès de qui elle aura lancé Exile in Guyville en 1993. Si l’album a retenu l’attention pour quelques raisons superficielles (un concept pas très rigoureux de réplique au mythique Exile on Main Street des Stones, des textes d’une vulgarité surprenante dans deux ou trois pièces), c’est la qualité des compositions et la profondeur des textes qui en ont fait un immortel. Il n’y a aucun point faible dans ces dix-huit chansons à la fois simples et insaisissables qui brossent le portrait d’une jeune femme brillante, drôle, sensuelle et furieuse. (MR)
Nirvana — In Utero (1993)
DGC Records
Après le succès retentissant et étonnant de Nevermind, Nirvana se triturait alors les méninges afin de conserver une certaine crédibilité auprès des purs et durs, tout en demeurant rassembleur. Avec du recul, il a réussi son pari. In Uetro est en parfait équilibre entre le penchant « métal-punk » de Bleach et l’excellence mélodique de Nevermind. Un testament sonore qui, encore aujourd’hui, est émouvant. Révérence à Steve Albini à la réalisation. (SD)
PJ Harvey — Rid Of Me (1993)
Island Records
Paru en 1993 et réalisé majoritairement par Steve Albini (à l’exception de Man Size Sextet), c’est l’album « dégraissage d’oreilles » de la grande dame du rock britannique. Accompagné par Rob Ellis (batterie) et Steve Vaughn (basse), c’est la dernière création que PJ Harvey enregistre en format trio. Par la suite, elle deviendra la seule meneuse à bord. Pour la réalisation râpeuse d’Albini, pour l’interprétation teigneuse de PJ et pour l’affirmation féministe qu’il contient, Rid of Me est un incontournable à posséder dans sa bibliothèque musicale. (SD)
Jeff Buckley — Grace (1994)
Columbia
C’est le seul album studio de cet auteur-compositeur immensément doué. Doté d’un registre vocal d’exception – une voix située entre Morrissey et Robert Plant – Jeff Buckley peut se targuer d’avoir insufflé une bonne dose d’hypersensibilité dans le rock qui se créait à l’époque. À sa sortie, les critiques furent partagées, mais par l’entremise d’artistes de renom tels que Bob Dylan, Jimmy Page et même l’acteur américain Brad Pitt, Grace est devenu un album référentiel du milieu des années 90… une œuvre qui balise le sentier qu’empruntera Radiohead avec OK Computer. Tu peux te reposer en paix, Jeff. (SD)
Nas — Illmatic (1994)
Columbia
Nas a largué une bombe en 1994 avec ce premier album traduisant la situation des ghettos de New York à travers une ligne narratrice qui refuse un ton unique. Parfois, Nas est confiant, d’autres fois il est pris entre le plaisir et la douleur. Les réalisations sont variées, mais toujours produites par de solides compositeurs : DJ Premier, Q-Tip et Large Professor occupent beaucoup de place. Avec Illmatic, Nas a établi un nouveau standard pour les MC et a influencé tout ce qui a suivi sur la scène de la Côte Est. (LP)
Portishead — Dummy (1994)
Go! Beat
Dummy a été salué maintes fois par la critique. En plus d’avoir remporté le Mercury Prize en 1995, on lui attribue souvent le mérite d’avoir popularisé le genre trip-hop, le rendant ainsi accessible à un public plus mature. Avec l’aide de boucles puisées parmi plusieurs bandes sonores, de cordes (particulièrement en concert), de Fender Rhodes, et surtout, grâce aux mélodies transcendantes de Beth Gibbons, le premier album de Portishead est une mixture inusitée de hip-hop downtempo, de blues et de rock gothique. (SD)
Weezer — Weezer (1994)
Geffen
«L’album bleu» de Weezer est l’une des œuvres de post-grunge qui aura établi un nouveau standard dans le rock à un moment on l’on en avait besoin. Les pièces mettent de l’avant des mélodies accrocheuses sur une musique distorsionnée où les progressions d’accords sont surprenantes. L’équilibre parfait entre le bruit, la dissonance et la mélodie pop n’est pas complaisant ou calculé, c’est tout simplement dans la personnalité même de Rivers Cuomo qui a prouvé son talent à créer des chansons qui donnent envie de faire la fête. L’album homonyme de Weezer est une suite rutilante de compositions aussi élégantes que marginales. (LP)
Daniel Bélanger — Quatre saisons dans le désordre (1996)
Audiogram
Daniel Bélanger avait déjà étalé tout son savoir-faire sur Les insomniaques s’amusent, mais ce deuxième effort intitulé Quatre saisons dans le désordre rivalise en poésie, en qualité de la ligne narrative et en créativité musicale, mais aussi en originalité visuelle, puisqu’il existe pour cet album quatre couleurs différentes ; bleu, jaune, orange et blanc. Une pour chaque saison. Le parapluie, les deux printemps, Imparfait, Cruel, Je fais de moi un homme, Les temps sont fous, Projection dans le bleu et Sortez-moi de moi ont marqué l’imaginaire québécois grâce à une livraison et une émotion authentiques de la part de l’auteur-compositeur-interprète. (LP)
DJ Shadow — Endtroducing….. (1996)
Mo’Wax
Il fut un temps ou l’utilisation d’un sampler était empreinte de mystère pour à peu près tout le monde. L’échantillonnage restait à l’arrière-plan pour mettre en valeur rappeurs et chanteurs, et quand un beatmaker ou un DJ devenait une star, c’était pour ses prouesses au scratch. Avec Endtroducing….., DJ Shadow n’a pas seulement changé le jeu en proposant un album de hip-hop minimaliste et sans MC : il a livré les plans d’un genre au grand complet. Endtroducing….. couvrait un vaste éventail de dynamiques sans jamais cesser d’être fluide et harmonieux, même dans les moments où la virtuosité de Shadow à son instrument le poussait vers les acrobaties rythmiques. (MR)