Chroniques

Les albums parfaits des 90s

En automne 2020, une nouvelle employée se joignait à l’équipe du Canal Auditif. Lors de l’écriture de sa première critique pour nous, elle voulut naïvement accoler une note presque parfaite à l’album (dont nous tairons le titre). Notre rédacteur en chef a dû lui expliquer que « tant que l’oeuvre ne constitue pas un point tournant dans l’histoire de la musique », il est impossible de lui accorder une note de plus de 9 sur 10. Ce à quoi notre chère Eloïse répliqua : « Ok, mais quels sont ces albums parfaits, pour le Canal Auditif ? »

Nous avons demandé à nos 27 collaborateurs et collaboratrices, dans un sondage très pointilleux, quels disques considéraient-ils comme des «notes parfaites»? Le Canal en a donc recensé 113, tous approuvés par l’équipe de rédaction habituelle.

Merci à Mathieu Robitaille, Bruno Coulombe et à Stéphane Deslauriers de s’être joint à Eloïse Léveillé et Louis-Philippe Labrèche pour cette chronique. Bonne lecture!

Cocteau Twins — Heaven or Las Vegas (1990)

4AD

L’un de mes albums préférés de tous les temps. À l’orée de cette nouvelle décennie, le groupe écossais Cocteau Twins était bien établi au Royaume-Uni, car il voguait déjà depuis un moment dans les eaux du rock gothique. Sélectionner la meilleure production de leur excellent répertoire est donc une tâche presque impossible, mais peu de fans nieraient que Heaven Or Las Vegas est définitivement l’un des moments forts de leur carrière. Lorsque le trio sort ce sixième disque chez 4AD — avec qui ça commençait à chauffer — toutes les pièces du puzzle ont semblé tomber au bon endroit. Ce nouveau son saturé d’effets qui fait fondre tous les instruments ensemble, cette esthétique rêveuse, la voix de Liz… L’album a brassé les codes musicaux de l’époque en créant la porte d’entrée du shoegaze et de la dreampop au Royaume-Uni. Depuis, cet album ne cesse d’en inspirer plus d’un(e). (EL)

Jean Leloup & La Sale Affaire — L’amour Est Sans Pitié (1990)

Audiogram

Le deuxième album de Jean Leloup est en fait « le vrai premier » pour Leloup qui n’aimait pas du tout la direction qui avait été prise avec Menteur. Avec deux équipes successives, la première autour de Michel Dagenais, la deuxième autour d’Yves Desrosiers, il compose des chansons qui deviendront des classiques : Cookie, Rock’n’Roll Pauvreté, Isabelle, Think About You, L’amour est sans pitié, 1990, Nathalie et Décadence. Les excentricités de Leloup dans la vie se retrouvent dans cette musique décloisonnée des cadres habituels de la chanson québécoise à cette époque. (LP)

Public Enemy — Fear of a Black Planet (1990)

Def Jam + Columbia

Dans un monde idéal, Fear of a Black Planet aurait perdu de sa pertinence avec les années, et le racisme serait un concept révolu. Mais voilà, nous ne vivons pas dans un monde idéal et c’est pourquoi le troisième album de Public Enemy résonne encore avec autant de force aujourd’hui. À l’opposé du discours machiste en vogue dans le rap de l’époque, la formation menée par Chuck D et le Bomb Squad aborde ici des enjeux clés pour la communauté noire : la brutalité policière dans 911 Is a Joke; la censure dans Who Stole the Soul?; la stigmatisation des couples interraciaux dans la pièce-titre. Mais elle le fait surtout avec un sens inné du groove et un échantillonnage explosif. Immortalisée dans le film Do the Right Thing de Spike Lee, Fight the Power est devenu un hymne à la résistance pour toute une génération. (BC)

Richard Desjardins — Tu m’aimes-tu (1990)

Abitibi Records

Ici, l’incontournable Richard Desjardins trouve le moyen de nous parler de l’Amour sous toutes ses formes grâce à une poésie qui dépasse l’entendement. De la plume imagée et atypique de la chanson-titre, au magnifique fil narratif de …et j’ai couché dans mon char, l’Abitibien prouve qu’il est trois coups devant tout le monde. Desjardins offre une prose foncièrement québécoise et ne s’excuse jamais de ces termes bâtards ou encore de son accent coloré. Sans failles, Tu m’aimes-tu est une oeuvre monumentale qui ne prend pas une ride. L’album enregistré au piano dans la Chapelle du Bon-Pasteur à Montréal n’avait pas réussi (!?!) à émouvoir les maisons de disques montréalaises à l’époque. C’est Justin Time, label spécialisé en jazz, qui aidera le musicien à distribuer son album pour que le succès soit au rendez-vous. Desjardins aura eu raison de se faire confiance sur ce coup-là. (LP)

A Tribe Called Quest — Low End Theory (1991)

Jive

Au tournant des années 1990, le monde du hip hop avait grandement besoin d’un groupe comme A Tribe Called Quest. Après un charmant premier album, la formation du Queens s’est réorganisée et a pondu The Low End Theory, qui donnait la réplique au gangsta rap de NWA tout en y tirant des influences. Les nouvelles réalisations de Q-Tip, faites d’échantillonnages de hard bop, venaient appuyer la nouvelle complicité entre lui et son comparse Phife Dawg. Les deux MCs se complétaient parfaitement et couvraient des thèmes tour à tour profonds, humoristiques, vantards et humbles. Cet album enjoué a défini le rap engagé pour des années à venir. (MR)

My Bloody Valentine — Loveless (1991)

Creation Records

Loveless est LE disque qui a permis au shoegaze de se tailler une place de choix dans le cœur d’un public à l’époque friand de guitares lourdes et abrasives. Misant sur de nombreuses expérimentations (utilisation singulière du vibrato, échantillonnages, etc.), le groupe a dû visiter pas moins de dix-neuf studios d’enregistrement avant de satisfaire pleinement les exigences du « boss » de My Bloody Valentine, Kevin Shields. Au-delà de ces détails d’ordre pratique, Loveless est devenu la référence ultime d’une pléiade de musiciens provenant d’horizons divers, de Nothing à Deafheaven en passant même par Nails ! (SD)

Nirvana — Nevermind (1991)

DGC Records

Par un bel après-midi de 1991, bien confortablement écrasé à regarder Nü Musik (émission animée alors par Claude Rajotte sur MusiquePlus), j’entends le riff d’introduction d’une chanson qui capte complètement mon attention : Smells Like Teen Spirit. Travelling de droite à gauche mettant en vedette une panoplie de jeunes adultes en chemises à carreaux dans un gymnase en fumée… je découvrais pour la première fois ce qui allait devenir la plus grosse claque au visage que le rock m’aura donné jusqu’à ce jour. Avec cet album, Nirvana a propulsé sous les projecteurs la scène dite « grunge » de Seattle. Après Nevermind, l’esprit contestataire du rock s’est lentement étiolé. (SD)

Slint — Spiderland (1991)

Touch and Go Records

Lancé en 1991, Spiderland est l’œuvre ultime de la formation Slint; un des albums fondateurs du post-rock aux côtés du génial Laughing Stock de Talk Talk. En dépit d’une reconnaissance anémique lors de sa sortie, Spiderland est devenu un point de repère pour de nombreux groupes de post-rock et de math-rock. Si vous aimez les guitares tranchantes, les alternances entre chaos et calme et une voix qui chancelle, entre murmures inquiétants et cris stridents, ce disque est un incontournable à avoir en sa possession. (SD)

Talk Talk — Laughing Stock (1991)

Verve

En septembre 1988, Talk Talk lance un ovni dans l’univers : le sublime Spirit of Eden, disque qui marque un tournant dans la carrière de la formation. Il est le fruit d’une année entière passée à improviser librement en studio en incorporant des éléments de musique classique, de jazz et de musique ambiante. En 1991, Mark Hollis achève commercialement la formation en créant Laughing Stock; œuvre qui s’enracine profondément dans une lignée expérimentale. Ce chant du cygne fait la belle part à la musique instrumentale et… au silence. L’un des disques fondateurs du mouvement post-rock. (SD)

The Jesus Lizard — Goat (1991)

Touch and Go

Mathieu Robitaille, notre respecté collaborateur, compare la formation chicagoaine à « un Led Zeppelin formé dans un hôpital psychiatrique ». Sur Goat, The Jesus Lizard est au sommet de son art. David Yow aboie comme un disciple d’Iggy Pop et de Mark E. Smith (The Fall). La guitare de Duane Denison est une lacération auditive permanente. La section rythmique, gracieuseté de David Williams Sims (basse) et Mac McNeilly (batterie), est parfaitement belliqueuse. Par-dessus tout, ce disque est devenu une véritable référence pour tout ce qui gravite autour du punk-rock-métal-indépendant. Zéro poseur. Un classique indémodable. (SD)

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