Critiques

Yann Tiersen

ALL

  • Indépendant
  • 2019
  • 63 minutes
7

Ne cherchez pas l’accordéon et le glockenspiel. Si pour vous, Yann Tiersen se résume à Amélie Poulain (2001, eh oui, déjà), vous serez déçu. Si vous souhaitez plutôt un mélange d’instrumental, de chants bretons, de mélodies d’oiseaux, alors vous serez comblé. Comme dixième album studio, ALL joue avec les sons organiques, le bidouillage et l’orchestral. On ne se retrouve pas trop loin de Sigur Ros, sans le côté féérique ou lumineux.

Parlons mécanique, d’abord. ALL est le premier album enregistré dans le nouveau studio/salle de spectacle/centre communautaire de Yann Tiersen, The Eskal. Construit dans une ancienne discothèque de l’ile d’Ouessant, au large de la Bretagne, dans la mer Celtique, The Eskal est un projet ambitieux pour stimuler la création. Et Tiersen n’a pas choisi l’île d’Ouessant au hasard: il a passé ses étés d’enfance là-bas et y vit depuis des années. Du studio, il a donc vue sur la mer. Pour la production et le mixage, Tiersen a fait appel à l’Anglais Gareth Jones (Depeche Mode, Indochine), qui avait aussi collaboré pour le précédent opus EUSA.

D’ailleurs, EUSA et ALL ont une filiation très nette: d’un album à l’autre, les mélodies semblent se répondre, les chants d’oiseaux aussi. Peut-on reprocher à un artiste l’usage de leitmotiv? Oui et non, mais j’avoue m’être parfois perdue entre les deux albums lors d’écoutes en trame de fond d’autres activités.

Les voix se font centrales, dans ALL. Les textes sont tous en Breton, ce qui ajoute à la mélodie et m’empêche de critiquer leur qualité. Yann Tiersen a signé six trames sonores de film, et ALL s’écoute les yeux fermés afin de visualiser de courts métrages pour chaque pièce. De morceau en morceau, des éléments sonores de la pièce précédente accompagnent le mélomane.

Dans Usual Road, ce sont les cris d’oiseaux de Erc’h qui traverse. Ensuite, on entend des bruits de pas, le bruissement des feuilles sur des vêtements. Impossible de ne pas se voir cheminer dans un sentier côtier par une journée grise qui nous plonge dans la nostalgie à chacun des coups d’archet du violon plaintif.

Sur Pell (Distant, en français), des rires d’enfants se mêlent à la musique. Un chœur de voix féminines et masculines est soutenu par quelques bidouillages rappelant les bruitages utilisés pour insinuer la présence d’extraterrestre dans les séries télévisées des années 1990. Encore une fois, on peut imaginer un court métrage un brin humoristique, mais qui finit en scène émouvante.

Dans Gwennilied, une voix caverneuse avec un peu trop d’écho chante avec une orchestration délicate de percussions, de claviers et autres sons. C’est avec la pièce Aon que les amateurs d’Amélie Poulain retrouveront du soufflet, des carillons, la magie et l’enchantement. Aon signifie «peur», en français, et la pièce commence avec des sons qu’on pourrait qualifier d’inquiétants, des bruits de chouette ou de hibou qui ulule, des craquements. Une femme chantonne, comme pour se réconforter dans la nuit noire. Et la mélodie devient instrumentale, puis joyeuse et féérique. Comment combattre la peur qui nous habite, en somme?

Si ALL ne commet pas de faux pas, il ne se distingue pas dans l’offre actuelle musicale ni dans la riche discographie de Yann Tiersen. La fluidité de l’écoute, la beauté organique des sons en font un album qui s’écoute autant pour la contemplation que pour accompagner un souper.

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