Concerts

Protomartyr et TV Erased au Théâtre Fairmount, le 14 juin 2023

Hier soir, la formation états-unienne Protomartyr était au Théâtre Fairmount pour nous présenter le deuxième concert seulement de sa tournée nord-américaine.

Le plus récent long format du quatuor, Formal Growth in the Desert, est une autre réussite à ajouter au compteur déjà bien garni du groupe. Pour l’occasion, c’est la formation montréalaise TV Erased qui avait le privilège d’ouvrir la soirée. Compte-rendu d’un spectacle rock qui a tenu ses promesses.

TV Erased

C’est en 2019 que la formation TV Erased a vu le jour. Depuis ce temps, le groupe formé du bassiste Alex Ortiz (We Are Wolves), du guitariste-chanteur Joseph Yarmush (Suuns), du guitariste Trevor Barnes (Turbo) et du batteur Alex Hackett (Pang Attack) a enregistré quelques chansons, à défaut de se produire régulièrement en concert, période pandémique oblige.

En avril dernier, le quatuor a lancé un court format homonyme de trois chansons résolument post-punk recelant quelques ascendants space rock. Après un départ inharmonieux, c’est le jeu bruyant et dissonant de Trevor Barnes qui a attiré mon attention. La voix de Joseph Yarmush, noyée dans la réverbération, évoquait par moments celle de Justin Corber de la formation post-rock / krautrock Yoo Doo Right.

Évidemment, le groupe n’a qu’un court format à son actif. Il s’est donc amusé à nous présenter de longs moments instrumentaux improvisés, ce qui accentuait bien entendu le déficit d’attention de certains spectateurs…

En fin de parcours, TV Erased nous a proposé une chanson qui remémorait les Cure, époque Seventeen Seconds (1980) et Faith (1981). Immédiatement après cette pièce, Barnes nous a annoncé que le groupe allait jouer une dernière chanson, « peut-être même leur dernière en carrière », affirma-t-il sur un ton sarcastique. Et ce serait dommage si cette déclaration se concrétisait, car le quatuor possède un certain potentiel. Avec une section rythmique plus vigoureuse faisant preuve d’un peu plus d’inventivité, TV Erased pourrait trouver un élan créatif assez intéressant pour poursuivre sa route.

Cela dit, malgré un corpus chansonnier rudimentaire, TV Erased a bien mis la table pour l’attraction principale de la soirée.

Protomartyr

Si en format album, le poète-chanteur Joe Casey, le guitariste et principal compositeur Greg Ahee, le batteur Alex Leonard et le bassiste Scott Davidson livrent avec constance la marchandise, qu’en est-il en concert ? Mes survols « youtoubiens » m’avaient quand même rassuré sur la cohésion de la formation ainsi que sur l’étrange charisme de Casey.

Accompagné par nul autre que Kelley Deal (The Breeders) qui officiait à la guitare et aux claviers, le groupe s’est présenté sur scène — bières à la main en ce qui concerne Greg Ahee et Joe Casey — et nous a balancé la pièce introductive de Formal Growth in the Desert, la puissante Make Way. Le qualificatif « puissant » pourrait être employé pour chacune des chansons interprétées par la formation. Si en mode long format, on peut certainement percevoir la force de frappe de Protomartyr, on vous certifie qu’en concert la déflagration sonore assénée par le groupe est décuplée !

Vêtu de son habituel costard un brin fripé, Casey a enfilé les bières et les chansons avec la tranquillité d’un quidam qui a beaucoup de mal à contenir sa frustration et son mal-être. Hier, le poète-chanteur était en total maîtrise. Et que dire de ses acolytes qui l’accompagnent ? Le groupe était en parfaite symbiose et n’avait surtout pas besoin d’acrobaties individuelles pour épater. On salue ici le sans-faute du batteur Alex Leonard qui constitue le socle sur lequel s’appuient Ahee et Davidson.

Derrière le groupe, une production filmique étrange et émouvante à la fois était projetée. Dans Fun in Hi Skool, autre pièce issue de Formal Growth in the Desert, on voit un enfant malade, thermomètre en bouche, se faire caresser doucement la tête par une main que l’on soupçonne être féminine; un subtil hommage à la mère de Joe Casey qui a rendu l’âme après avoir souffert pendant de nombreuses années de la maladie d’Alzheimer.

En fin de parcours, Protomartyr y est allé d’une version frémissante de Pontiac 87; morceau-phare de l’album The Agent Intellect paru en 2015. Le quintette a conclu sa prestation avec l’excellente Processed by the Boys, deuxième chanson du tout aussi excellent Ultimate Success Today, galette lancée en 2020.

Enfin, en rappel, la formation résidente de Detroit, Michigan, nous a renvoyé à la maison avec Why Does It Shake?; morceau sur lequel Casey s’époumonait sans ménagement, mais toujours avec sa discrétion scénique coutumière.

Si certains mélomanes peuvent être rebutés par cette musique grinçante et claustrophobe et si certains peuvent ressentir un certain agacement en portant une attention particulière à la misanthropie poétique de Joe Casey, en concert, ces préjugés — injustifiés en ce qui me concerne — s’étiolent pour laisser place à un déploiement sonore d’une rare intensité.

Protomartyr est un groupe soudé et ça s’entend. Un grand concert rock.

Liste des chansons :

01 Make Way
02 3800 Tigers
03 Windsor Hum
04 Elimination Dances
05 Fun in Hi Skool
06 Graft Vs. Host
07 Polacrilex Kid
08 Maidenhead
09 Half Sister
10 Pontiac 87
11 Cowards Starve
12 The Aphorist
13 June 21
14 Wheel of Fortune
15 Processed by the Boys

Rappel :

16 Jumbo’s
17 The Devil in His Youth
18 Why Does It Shake ?

Crédit photo: Trevor Naud

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