Critiques

Run The Jewels + DJ Premier

Run the Jewels 4

  • BMG / Jewel Runners / RBC
  • 2020
  • 39 minutes
9
Le meilleur de lca

They promise education, but really they give you tests and scores
And they predictin’ prison population by who scoring the lowest
And usually the lowest scores the poorest and they look like me
And every day on evening news they feed you fear for free
And you so numb you watch the cops choke out a man like me
And ’til my voice goes from a shriek to whisper, « I can’t breathe »
And you sit there in the house on couch and watch it on TV
The most you give’s a Twitter rant and call it a tragedy

Walking in the Snow

C’est sans doute le texte le plus percutant et triste de 2020. Killer Mike nous parle des images d’un policier qui étrangle un homme noir jusqu’à ce qu’il dise qu’il ne peut plus respirer. On aurait tendance à le relier aux images horribles de Georges Floyd pris sous le genou de l’ex-policier Derek Chauvin, mais ces lignes ont été écrites avant. C’est en pensant à Eric Garner qu’il a écrit ces lignes « coups de poing » qui aujourd’hui ont une résonance encore plus puissante. Malheureusement.

Dans la plus pure tradition de Run the Jewels, le duo formé de El-P et Killer Mike n’a pas attendu la sortie officielle pour lancer leur quatrième volume qui arrive au lendemain du Blackout Tuesday de l’industrie musicale et deux jours avant sa sortie prévue. Encore une fois, il était offert gratuitement par le groupe. Seul un don était encouragé, mais non obligatoire. Le moment était cruellement parfait.

Run the Jewels tire ses mots sur les cibles habituelles : les plus nantis, les élites qui ignorent le commun des mortels, les forces de l’ordre et l’ignorance. Le tout sur des trames qui portent l’empreinte de El-P, parfois aidé d’un ou deux collaborateurs, mais maître à bord. On y retrouve de belles passes de boom bap comme on peut le voir sur Out of Sight qui compte sur l’apport de 2 Chainz.

Ce n’est pas la seule collaboration. On y retrouve JU$TPharrell Williams et Zach de la Rocha brillent pendant que Killer Mike nous prouve que c’est possible de tenir un discours intelligent tout en faisant du trap. Oubliez les discours sur les danseuses creux, on parle plutôt ici du fait que les faces sur les dollars américains possédaient des esclaves. Ouch. On retrouve aussi le duo improbable de Josh Homme et Mavis Staples sur Pulling the Pin et Greg Nice et DJ Premier sur l’excellent Ohh LA LA.

La place centrale sur ce 4e volume est donnée à l’extrême polyvalence des débits de Killer Mike et El-P et qui ne servent rien de moins qu’une leçon de rap en 11 étapes. J’aurais pu simplement copier/coller les paroles ici pour expliquer mon point. La qualité des textes est impressionnante. Run the Jewels se fait un devoir de pousser toujours plus loin l’approfondissement de la trame narrative. Et ils réussissent à chaque fois.

C’est un excellent album. Tout simplement. Meilleur que le 3e volume. Égal ou légèrement inférieur au 2e. Mais on est ici dans les grandes ligues du rap. El-P et Killer Mike démontrent à quel point ils sont intelligents et qu’ils n’accepteront jamais de courber l’échine devant le pouvoir. Ce simple geste de résistance est tellement en phase avec ce qui se passe dans la société. Ce qui ne veut pas dire que la paire perd son sens de l’humour. À la fin de la poignante Walking on the Snow, on entend Gangsta Boo dire : « First of all, they cheated (Uh-huh) / ‘Cause if one of them black and the other one white (Uh-huh) / So if you don’t like ’em, you automatically racist (Ah, oh, well). »

Mais les dernières lignes de l’album récitées par Killer Mike sont assez claires:

Black child in America, the fact that I made it was magic
Black and beautiful, the world broke my mama heart, and she died an addict
God blessed me to redeem her in my thoughts, words, and my actions
Satisfaction for The Devil, goddammit, he’ll never ever have it
This is for the do-gooders that the no-gooders used and then abused
For the truth tellers tied to the whippin’ post, left beaten, battered, bruised
For the ones whose body hung from a tree like a piece of strange fruit
Go hard, last words to the firing squad was, « Fuck you too »

A few words for the firing squad (Radiation)

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