Critiques

The Amazing

Picture You

  • Partisan Records
  • 2015
  • 64 minutes
8,5
Le meilleur de lca

The AmazingPrenez un guitariste de shoegaze et un batteur de jazz et vous avez The Amazing. Bon, rajoutez aussi une petite dizaine de guitares, une basse, des claviers et tout ce qu’il est possible de trouver dans un orchestre et vous avez un groupe à la musique ambitieuse et gigantesque que Phil Spector n’aurait pas reniée sitedemo.cauire. Avec Picture You, les Suédois menés par Christoffer Gunrup ont réalisé leur meilleur effort.

Ce troisième CD est la consécration de tous les styles et paysages musicaux dans lesquels ils se sont aventurés sur leurs deux premiers albums: à savoir le shoegaze et le jazz. Si leur premier EP, autositedemo.cauit et éponyme (2009), est resté dans l’anonymat le plus total, c’est avec son successeur, Gentle Stream (2012), que le quintette nordique s’est ouvert au monde. Voix à tomber par terre, mélodies magnifiques et, en fidèle héritier du shoegaze, ces chansons en forme de torrents incoercibles détruisant tout sur leur passage et dotés d’un souffle épique construit à grands coups de réverbération.

The Amazing est le groupe le plus difficile au monde à rechercher sur internet. Tapez The Amazing sur Google et vous allez tomber sur des dizaines de pages sur Andrew Garfield (l’interprète des derniers Spider-Man).

Picture You est sorti en début d’année et finalement, le groupe reste cantonné au monde indépendant malgré une musique ravissante et – parfois – taillé pour la radio (l’énorme tube Tell Them You Can’t Leave). Oscillant entre quatre et dix minutes, les longs morceaux de Picture You prennent le temps de se développer dans de grandes bourrasques électriques. Paradoxalement, le CD est calme et lent à la fois. Si le titre éponyme est une merveille, cela est dû en partie à la voix de Gunrup et à ses expressions et intonations mélancoliques/désespérées/folkeuses des années 60 (genre, même Tim Hardin paraît joyeux à côté). Mais si Picture You est plus solide que ces prédécesseurs, c’est grâce à Moussa Fadera, le batteur. Bien sûr, quasiment tous les membres de The Amazing sont d’extraordinaires multi-instrumentistes passés par le jazz, mais l’apport de Fadera est tout simplement incroyable.

À mi-chemin entre le funk, le jazz et même le post-rock, Fadera amène un élan totalement fou aux guitares saturées de The Amazing. N’ayant pas peur des répétitions (et ils ont bien raison), le quintette n’hésite pas à faire tourner parfois pendant plus de quatre minutes des boucles bien grasses de basses/guitares sur lesquels Fadera s’amuse comme un dingue (Fryshusfunk, Circles, Captured Light). Mais revenons à Gunrup. Évidemment, ces ambiances très lourdes, très électriques, tout droit héritées de My Bloody Valentine ou Ride fonctionne également très bien grâce à la voix de Gunrup. Très légère, quasi fantomatique, elle flotte dans ces paysages survoltés. L’effet est fantastique (Picture You, Safe Island) et apporte un côté nostalgique du début des années 90 très appréciable. L’ouverture avec Broken balancé à grands coups de claviers est peut-être le morceau le mieux charpenté de l’album (arrêt, chœurs, chanson à tiroirs), mais finalement pas le plus jouissif. Il faut plutôt se pencher sur la fin de l’album pour comprendre à quel point ce CD est cool.

Psychédélique, et un peu prog aussi («même si je déteste le prog», assure Gunrup sur son site), Picture You est un très bon disque qui devient excellent sur la fin. Après une petite balade toute gentillette Headless Boy avec de jolis chœurs et une petite flûte toute mignonnette, on tombe sur le mastodonte Captured Light, et là on ne rigole plus du tout. Grosse gratte à la Cow-Girl In The Sand de Neil Young pour commencer. Puis, déluge de cendres électriques, les guitares s’éparpillent tout en lenteur et avec deux voix qui s’entremêlent (sans oublier Fadera qui cartonne sa pauvre batterie comme un malheureux derrière), The Amazing nous amène à une première rupture au clavier. Le titre shoegaze tout dézingué se transforme en chanson guitare/voix grandiose. Et c’est à ce moment-là qu’on se dit, petit 1: qu’après le danois Makrigiannis (du groupe Choir Of Young Believers), ils ont de sacrées voix dans le Nord. Petit 2: The Amazing porte magnifiquement bien son nom.

L’album vient calmement mourir sur un Winter Dress de toute beauté. Ici, le groupe nous rappelle le titre éponyme de Ágætis Byrjun de Sigur Ròs (rien que ça). Comme une calme réflexion après l’orage qu’a subi l’auditeur sur la dernière heure, le titre met en valeur, plus que jamais la voix de Gunrup, et les trois guitares toutes en rondeurs du groupe (et Fadera, toujours là avec ses quatre bras).

Le calme après la tempête, un tube aux références merveilleuses et une fantastique plongée en arrière à l’époque où les guitaristes avec quinze pédales à effets étaient rois, Winter Dress est tout ça à la fois. Et finalement, il n’est que le condensé du disque en entier. Une pépite.

Ma note: 8,5/10

The Amazing
Picture You
Partisan Records
64 min

http://www.theamazing.se/

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