Critiques

Kendrick Lamar

To Pimp A Butterfly

  • Interscope Records
  • 2015
  • 79 minutes
9
Le meilleur de lca

Le rap est né du manque de moyens matériels. Il est né des quartiers populaires de New York. Il est né de la pauvreté et de ce besoin de traduire une réalité qui n’est pas représentée dans les médias. Un peu à la manière du punk ou du blues, c’est une musique qui est née dans la plus dure des réalités.

Alors que Kendrick Lamar affirmait sur Good Kid, M.A.A.D. City qu’il était quasiment Martin Luther King, sur To Pimp A Butterfly, il passe à l’action et fait ce que le docteur faisait. Il prêche l’union des forces pour s’opposer au plus grand ennemi: l’establishment. «Just because you wore a different gang color than mine/Doesn’t mean I can’t respect you as a black man/Forgetting all the pain and hurt we caused each other in these streets/If I respect you, we unify and stop the enemy form killing us/But I don’t know, I’m no mortal man, I’m just another nigga». Ces lignes sont lancées avant un échange fictif avec 2Pac qui annonce une folie apocalyptique, une révolution. Un discours qui porte toujours comme blessure les jugements des cas de Ferguson et celui d’Eric Garner.

Une blessure qui sous-tend le message d’unification et de révolte de Lamar. Un discours juste et nécessaire. Le tout est fait avec poésie, avec intelligence, et qui appelle à regarder le pouvoir dominant en face et lui dire que cela suffit. Que les conditions de vie dans les recoins d’Amérique comme Compton n’ont absolument aucun sens. Par-dessus le marché, c’est fait avec des trames sonores intéressantes au plus haut point.

Parmi les collaborateurs de Kendrick, on retrouve cette fois-ci Flying Lotus qui, en compagnie de Thundercat, signe Wesley’s Theory, une excellente pièce pour lancer To Pimp A Butterfly. Mais allons-y avec les gros morceaux, parce qu’on pourrait passer à travers chaque pièce et mettre en évidence toutes les indéniables qualités de ce disque.

King Kunta et son «flow» varié, sa trame à la basse riche est intoxicante et contagieuse. Toute une chanson! La R&B These Walls, la bizarroïde Hood Politics et son refrain: «boo boo», l’acerbe, énergique et violente The Blacker The Berry. Que dire de plus? Cette dernière met en contexte le message qui sera repris par des critiques, comme moi, qui rend ledit message automatiquement obsolète. Une réflexion qui n’est pas totalement fausse. Ce texte est d’une très grande qualité. Et peu importe la couleur de la peau, c’est d’oppression ici qu’il est question. C’est une réaction aux classes sociales bien établies en Amérique. Évidemment, I et son rythme funk est tout aussi délicieuse.

Lamar propose une œuvre autant politique que musicale. La musique servant le propos admirablement bien. D’ailleurs, c’est rassurant de voir que les albums qui semblent faire beaucoup de bruits ces temps-ci sont très bien écrits, laissent de côté le gangsta rap et s’attaquent à la politique à pleine main. Run The Jewels est un autre bon exemple. L’amateur de rap qui réfléchit est totalement gâté ces temps-ci.

Ma note: 9/10

Kendrick Lamar
To Pimp A Butterfly
Interscope
79 minutes

http://www.kendricklamar.com/

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