Critiques

Youth Lagoon

Heaven Is a Junkyard

  • Fat Possum Records
  • 2023
  • 35 minutes
6,5

Trevor Powers, alias Youth Lagoon, est un créateur chansonnier né à San Diego en Californie. Mais le musicien a grandi dans la ville de Boise située dans l’état d’Ohio. Après avoir lancé un album ayant obtenu un rayonnement assez confidentiel en 2011 — The Year of Hibernation, pour ne pas le nommer —, l’artiste nous avait épatés avec l’excellent Wondrous Bughouse paru deux ans plus tard. En 2015, Powers changeait de cap avec Savage Hills Ballroom, laissant en plan le foisonnement psychédélique et expérimental qui caractérisait l’effort précédent.

Huit ans plus tard, Youth Lagoon revient dans la lumière non sans avoir passé de difficiles moments dans sa vie personnelle. De prime abord, le musicien a annoncé en 2016 qu’il mettait sa carrière en jachère, stipulant qu’il avait l’impression de s’être égaré et de n’avoir plus rien à raconter. Au cours des années subséquentes, il a même perdu la voix à la suite d’une maladie qui l’a contraint à ingérer des médicaments qui ont altéré le fonctionnement de son organe vocal.

Enregistré en six semaines avec l’aide du réalisateur Rodaith McDonald (Adele, Gil Scott-Heron), Youth Lagoon nous présente Heaven Is a Junkyard; une œuvre apaisée et intimiste, aux antipodes du psychédélisme intarissable de son œuvre phare, Wondrous Bughouse. Sur ce nouveau long format, Powers s’inspire de sa réalité familiale, mais également du courageux chemin qu’il a parcouru pour se transformer.

Dans la deuxième pièce de l’opus titrée judicieusement Idaho Alien, Powers prend conscience de l’influence de son père dans ses traits de personnalité. La pomme ne tombe jamais loin de l’arbre, semble-t-il :

Billy, come home and Billy, don’t stop
Daddy, come home and Daddy, don’t talk
Radio hides a shitty old cap
Maybe I’m high and maybe I’m not
There was sadness coming through you
Wonder how I caught it
Wonder how it started

– Idaho Alien

Sur la pièce de résistance de ce nouvel album, l’émouvante The Sling, l’auteur prend l’entière responsabilité de ses déboires psychologiques, malgré l’encadrement familial instable dans lequel il a évolué :

It was all on me
Heaven descend
Voice of a friend
I could die happy
If I started again
Started again
It was all on me

– The Sling

Musicalement, toutes les chansons sans exception s’articulent sur une assise pianistique et minimaliste, recelant par moments quelques subtils ascendants folk et country. Quelques rythmes en toc font également leur apparition, çà et là, sans jamais voiler le jeu pianistique de Powers, bien à l’avant-plan dans le mix.

Pour ceux qui, comme moi, avaient encore en mémoire le Youth Lagoon un brin délirant et narcotique, de retrouver l’auteur-compositeur dans un format aussi austère pourrait sérieusement dérouter. Même si je préfère l’artiste en mode « hallucinogène », on ne peut que respecter le résultat créatif lié à cette démarche de rédemption psychologique entamée il y a quelques années. Heaven Is a Junkyard est une création tranquille, probablement en parfaite adéquation avec l’état d’esprit de son géniteur.

En plus de la sublime The Sling, l’instrumental Lux Radio Theatre contient une importante charge émotionnelle. Dans Prizefighter, les ascendants country, évoquant subtilement la musique de Matthew Houck, alias Phosphorescent, confèrent à cette chanson une certaine originalité et la dépouillée Trapeze Artist est, elle aussi, assez touchante.

Somme toute, c’est un retour réussi pour Youth Lagoon qui plaira à celles et ceux qui affectionnent les chansons pianistiques, sobres et à fleur de peau.

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