Critiques

Young Fathers

Heavy Heavy

  • Ninja Tune Records
  • 2023
  • 33 minutes
8
Le meilleur de lca

Originaire d’Édimbourg en Écosse et formé d’Allosyious Massaquoi, de Kayus Bankole et de Graham Hastings, Young Fathers est une valeur sûre issue de la scène musicale du Royaume-Uni. C’est avec l’excellent DEAD (2014) que l’inventif trio a concrétisé ses grandes ambitions en remportant le Mercury Prize; une distinction qui récompense le meilleur album britannique de l’année. Par la suite, la formation a poursuivi sur sa lancée en présentant deux autres excellentes offrandes : White Men Are Black Men Too (2015) et Cocoa Sugar (2018). Les Écossais sont donc de retour avec un quatrième opus en carrière. Intitulé Heavy Heavy, le titre de ce premier long format en quatre ans serait une allusion aux temps troubles que nous vivons depuis quelques années déjà.

En entrevue avec le journal The Guardian, la formation réfute avec assurance le fait que plusieurs journalistes musicaux considèrent leur musique comme étant trop étrange : « We’re not weird — this is the pop music we want to listen to ! ». Eh bien, si la pop ressemblait à ce que propose Young Fathers, l’auteur de ces lignes ne s’en porterait que mieux !

Encore une fois, l’imagination foisonnante de la formation est intacte. L’habituel chaos contrôlé, les rythmes cinétiques et les mélodies débridées, mais rassembleuses sont toujours au rendez-vous. Même si Young Fathers l’a toujours fait, cette fois-ci, les origines nigériennes et libériennes des membres de la formation sont plus que jamais mises à l’avant-plan. En fait, Heavy Heavy est une mixture fédératrice, et déroutante à la fois, de pop orchestrale, de claustrophobie sonore parfois hargneuse, l’ensemble saupoudré d’ascendants R&B.

Pour vous donner une petite idée de ce qui vous attend, Heavy Heavy démarre avec Rice et I Saw qui constituent deux magnifiques incantations tribales. Drum est une mixture d’afrobeat et de musique électronique « à la Kraftwerk ». Les influences gospel entendues dans Tell Somebody et Geronimo accentuent les potentiels unificateurs que recèlent ces deux chansons. Shoot Me Down est rempli d’échantillonnages aux ascendants hip-hop. Ululation contient des relents indie pop grâce à l’utilisation d’une guitare que l’on pourrait qualifier « d’estivale ». Ceux et celles qui connaissent bien Young Fathers ne seront pas désarçonnés par les rythmes galopants et les voix passives agressives qui sont légion dans Sink Or Swim et Holy Moly. Enfin, la conclusive Be Your Lady propose un mélange de musique industrielle et de R&B.

Alors, que dire de plus ? De nouveau, Young Fathers nous présente une création jubilatoire qui positionne le trio une fois pour toutes parmi les formations référentielles de la musique britannique. Heavy Heavy est bien sûr déstabilisant et pourra même paraître intimidant pour certains.

Or, même si la frontière entre divertissement et art est de plus en plus imprécise, Young Fathers se range définitivement du côté lumineux de la « Force » !