Critiques

VioleTT Pi

Baloney Suicide

  • 36 minutes
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Le meilleur de lca

Karl Gagnon, alias VioleTT Pi, est un ovni assez discret dans l’univers musical québécois. Poète et auteur-compositeur-interprète de talent, ce créateur s’échine à repousser les frontières de la pop québécoise. Il incorpore à ses chansons des éléments issus de la musique électronique, mais aussi quelques ascendants nu métal. Sinueuses et parfois détonantes, les compositions de l’artiste sont assez audacieuses.

En 2013, VioleTT Pi nous présentait eV; un disque oscillant entre les espaces chansonniers de Jean Leloup et ceux de la formation industrielle Orgy. Trois ans plus tard, il nous proposait un Manifeste contre la peur qui creusait encore plus les sillons créatifs tracés avec le précédent effort. Ensuite ? Silence radio pour l’artiste.

Pour toutes sortes de raisons qui lui appartiennent, Gagnon a pris ses distances du monde de la musique. Il a quand même publié un recueil de poésie en 2019 sous le nom de VioleTT Pi qu’il a intitulé… Baloney Suicide!

Écrit et composé entièrement par Gagnon, l’artiste a été épaulé à la réalisation par son fidèle comparse, le bassiste Sylvain Deschamps. La formation est complétée par le guitariste Daniel Baillargeon et le batteur Maxime Drouin. Fait à noter, Klô Pelgag est derrière les synthétiseurs dans Pollen saturnien et Antoine Corriveau intervient subtilement dans La qualité de ta détresse.

VioleTT Pi s’éloigne significativement de l’influence de Leloup pour nous présenter une mixture inimitable d’art rock, de rock alternatif des années 90, de pop expérimentale et de prog. La belle folie de l’auteur-compositeur est toujours intacte, mais cette fois-ci, il réussit à resserrer quelques boulons mélodiques; une épuration qui permettra à certains auditeurs de ne pas être largués en cours d’écoute.

Le thème de la mort hante la vaste majorité des chansons de ce nouvel opus. Il y a la mort romantique que Gagnon associe au mot « baloney »; terme extrait volontairement de l’expression populaire « phony baloney ». Et il y a les petites morts du quotidien : la dilution de nos rêves, les querelles inutiles, les choix matérialistes au détriment d’une certaine profondeur spirituelle, etc. En fait, VioleTT Pi se questionne sur les vides de nos existences, ceux que l’on tente incessamment de fuir de manière maladroite. Dans Pollen saturnien, il nous exhorte à cesser ces défilades :

Marchant dans le désordre

Un jour, je t’ai retrouvé

Toi, t’es-tu retrouvé?

Les moteurs de ma patience sont épuisés

Vas-tu t’occuper de toi?

– Pollen saturnien

Sur l’introductive Celui qui attend, l’auteur réfléchit à sa propre disparition en exprimant haut et fort l’angoisse qui l’envahit :

L’idée de la mort m’a fait que passer plus d’une nuit

Seul, la gorge nouée à crier sans un bruit

– Celui qui attend

Baloney Suicide regorge de moments forts. Dans la pièce-titre, la voix tremblotante de Gagnon est en parfaite cohérence avec le piano inharmonieux et le rythme dansant de la chanson. Sur la dance-punk titrée Bipolaire, VioleTT Pi rend un hommage souriant à tous ces individus aux prises avec ces alternances d’états dépressifs et d’excitation. L’influence de Leloup revient momentanément à la vie dans Cycle. Enfin, Gagnon hurle sa vie sur un rythme électro-pop dans Jeté au monde comme un trophée dont la conclusion se transforme en un remarquable hymne rock.

Après autant d’années d’absence, la créativité de VioleTT Pi n’a pas pris une seule ride. Au contraire, Baloney Suicide est la preuve qu’il est possible de concevoir un album pop, exigeant certes, mais qui a le mérite de respecter l’intelligence des auditeurs.

Ce périple sonore dans la tête de Karl Gagnon est tout sauf ennuyant.

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