Critiques

The Mars Volta

The Mars Volta

  • clouds hill
  • 2022
  • 45 minutes
7

Dix ans. C’est le temps qui s’est écoulé depuis le dernier album du groupe The Mars Volta. Après s’être reformée en secret en 2019, la formation menée par le guitariste Omar Rodriguez-López et le chanteur Cedric Bixler-Zavala dévoilait récemment un nouvel album éponyme, qui marque un virage complet par rapport aux envolées prog et les chansons aux structures labyrinthiques qui ont fait sa marque.

Il va sans dire que ce septième album en carrière de The Mars Volta risque fort de dérouter les amateurs de la première heure, qui espéraient peut-être retrouver le math-rock hyperactif de De-Loused in the Comatorium (2003) ou le hard-rock conceptuel de The Bedlam in Goliath (2008), inspiré par un jeu de type ouija. En même temps, il était logique de s’attendre à un certain changement de direction après une absence aussi longue, même que le contraire aurait sans doute été décevant.

La première chose qui nous frappe à l’écoute de The Mars Volta, c’est la forme des chansons elles-mêmes. En effet, exit les morceaux à tiroirs marqués par des structures complexes et des ruptures abruptes de tempo. Ici, la plus longue chanson fait quatre minutes! Et la plupart tournent plutôt autour des deux ou trois minutes. Le ton est plus posé aussi, avec un plus grand nombre de ballades et moins de passages où la voix de Bixler-Zavala défie les lois de la gravité. Le jeu de Rodriguez-López est lui aussi plus aérien, davantage axé sur les textures que les prouesses techniques.

Cela dit, l’approche du groupe demeure reconnaissable. Des titres comme Cerulea et The Requisition rappellent l’esthétique de Noctourniquet, paru en 2012 et qui tendait déjà vers une musique moins alambiquée. On pourrait aussi citer la chanson-titre de l’album Frances the Mute (2005) comme un exemple du fait que The Mars Volta n’en est pas à ses premières ballades. En fait, ce qui change ici, c’est la plus grande place accordée aux sonorités latines qui s’expriment notamment dans les percussions de la très réussie Blacklight Shine en ouverture et sur la courte Que Dios Te Maldiga Mi Corazon. Le groupe s’est d’ailleurs bien entouré pour ce retour en studio, avec la bassiste Eva Gardner qui revient au bercail et surtout l’ajout de la batteuse Linda-Philomène Tsoungui, qui ajoute un côté jazzy tout à fait pertinent.

Si la musique de ce nouvel album peut sembler simpliste en comparaison de ce que The Mars Volta a offert par le passé, cette impression m’apparaît un brin trompeuse. La complexité d’une musique ne tient pas seulement en ses métriques irrégulières ou ses chansons à multiples sections. Il suffit d’écouter Equus 3 pour se rendre compte que le duo de Rodriguez-López-Bixler-Zavala n’a rien perdu de son inventivité, mais qu’il a décidé de l’exprimer autrement, ici en s’inspirant du jazz fusion des années 70 avec des envolées au clavier dignes d’un pianiste tel Chick Corea.

Cela dit, l’album comporte des faiblesses. La première moitié du disque entre autres prend du temps à se mettre en marche, et des morceaux comme Shore Story et Blank Condolences se révèlent assez quelconques. C’est peut-être le mauvais côté d’avoir opté pour une musique plus directe et moins labyrinthique, ce qui fait qu’il n’y a plus d’artifice pour capter notre attention quand les compositions elles-mêmes sont moins inspirées. Mais en général, on peut parler d’un pari réussi, surtout que le groupe aurait pu très facilement se péter la gueule en se réinventant de la sorte.

Évidemment, The Mars Volta est l’album le plus accessible du groupe originaire d’El Paso, au Texas. Ça ne deviendra pas un classique et ça reste une curiosité dans le contexte de l’ensemble de leur œuvre, mais à une époque où les groupes se reforment pour toutes sortes de raisons, il est plaisant de voir des musiciens qui ne craignent pas de tourner le dos à leur passé pour explorer de nouvelles avenues.