Critiques

Sylvie

Cannabis & Coffee Club

  • Indépendant
  • 2021
  • 31 minutes
6,5

Sylvie est formé d’Anis Azzoug (chant, guitare, percussions, harmonica), Vinny Batista (chant, guitares, orgue et percussions), Francis Lamontagne (chant, guitare et orgue), Simon Charrette (percussions et batterie) et Alex Lamontagne (basse). Le groupe est un O.V.N.I. dans le paysage musical québécois. Avec des influences avouées de rock psychédélique et de musique québécoise des années 1970, le groupe plonge parfois dans d’autres styles comme le psych-folk et le rock progressif. Fort de deux EPs, d’un livre et d’une participation aux Francouvertes, Sylvie faisait paraître en mai dernier leur premier album Cannabis & Coffee Club.

D’ores et déjà, un groupe de cinq gars qui décident de s’appeler Sylvie, ça donne envie de s’arrêter pour entendre ce qu’ils font. Leur première galette donne un peu l’impression de se retrouver devant un buffet. Du style, il y en a à la pelletée, comme si le groupe n’était pas arrivé à se décider sur un ou deux d’entre eux et qu’il avait voulu tout goûter en même temps. Mais ça reste agréable à écouter, rassurez-vous! C’est juste un voyage auquel il faut se préparer un peu.

Aucune pièce ne se ressemble sur Cannabis & Coffee Club, outre peut-être quelques ressemblances mélodiques entre Des milliers d’aventures et J’avais un char. De la pièce Kel Tamasheq, la plus douce de tout l’album et la seule qui n’est pas en français, à Bleu pâle, et ses mélodies planantes qui goûterait un peu le stoner rock si Francis Lamontagne n’était pas lui aussi dans une humeur « planante », en passant par Rendez-vous, et ses instrumentations qui rappelle l’ambiance d’un café évoquant les bonnes années de la variété française, l’auditeur s’embarque dans tout un voyage stylistique.

Cela peut sembler un peu incohérent ou inconstant pour l’auditeur, d’autant plus qu’il y a trois voix qui se partagent le micro et les chansons dans le groupe : Francis Lamontagne, Anis Azzoug et Vinny Batista. Chaque voix a ses caractéristiques particulières : celle de Vinny a un petit côté blasé accrocheur, celle d’Anis a un je-ne-sais-quoi de funk, et d’imprévisible, alors que celle de Francis est grave et donne envie de fermer les yeux et de s’y perdre pour méditer (surtout sur Bleu pâle).

La poésie est délectable dans les chansons de Sylvie, vraiment. Les textes, une spécialité de Vinny Batista, sont vraiment une des forces du groupe. Les paroles de Rendez-vous, par exemple, sont si bien ficelées et écrites qu’on ne se douterait pas qu’il s’agit d’une histoire d’un soir. Il m’a fallu lire les paroles pour le découvrir; j’étais persuadé qu’Anis était si transi pour une conquête qu’il allait jusqu’à s’improviser un côté « vieux chanteur français » à la Brassens pour la conquérir. Mais il n’en est rien. En voici la preuve :

J’exhiberai chevaux vapeurs, triceps, croco, rolex
Pour cracher ma semence au fond d’un cul-de-sac en latex
Pour vous je serais prêt à me lever très très très tôt
Histoire de m’habiller et d’me barrer incognito
J’ai rendez-vous avec vous
Juste une fois, ça ira pour moi

Rendez-vous, Sylvie

Les moments les plus forts de l’album, selon moi, sont sans conteste Cumulonimbus (non, mais quelle idée de titrer une pièce avec cumulonimbus! C’est le fun à dire, en plus!) une pièce menée de front par Vinny qui réalise s’être enlisé dans un triangle amoureux, Rendez-vous pour la personnalité que prend Anis et la poésie de Vinny et finalement Bleu pâle pour son côté tout simplement planant.

Cannabis & Coffee Club donne l’impression que les membres de Sylvie se sont transformés, l’instant d’enregistrer l’album, en enfants dans un magasin de bonbons : les gars ont voulu goûter à tout et ce n’est pas toujours à leur avantage. Mais comme c’est leur premier long format, on leur pardonne et on attendra la suite avec impatience.