Critiques

Steve Earle & The Dukes

Terraplane

  • New West Records
  • 2015
  • 34 minutes
7

Steve Earle & The Dukes - TerraplaneAu début 2002, paraissait l’excellent Jerusalem, du fort respecté Steve Earle, sur lequel se révélait une grande chanson: John Walker’s Blues. Morceau de choix qui racontait l’histoire de John Walker Lindth, États-unien capturé par les talibans et devenu soldat d’Allah; cas typique du syndrome de Stockholm. Earle se met dans la peau de l’otage en relatant les raisons pour lesquelles celui-ci change de camp. Une critique acerbe de l’Amérique compétitive à l’extrême qui oublie souvent de s’occuper convenablement de ses citoyens dits «à risque». Cet admirateur du travail de Townes Van Zandt a dû quitter prestement les États-Unis, car ses prises de position anti Grand Old Party (découlant de la parution de cette chanson) lui ont valu de nombreuses volées de balles de fusil sur son pick-up texan…

Depuis, l’homme habite la Grande-Bretagne et continue bon an mal an de créer de très bons disques. Le songwriter country/rock/folk américain revient cette semaine avec un Terraplane colligé avec ses éternels Dukes. Cette fois-ci, Earle et son band présentent un album qui positionne le blues rock à l’avant-plan… mais pas un blues de type «Bistro à Jojo». Le musicien, grâce aux Dukes, propose un blues malpropre et étonnamment jovial compte tenu du penchant rebelle et contestataire du vétéran. Un vrai «tough», on vous l’assure!

Bien entendu, on préfère Earle en mode hargneux, combatif, avec un parti pris pour les laissés pour compte, mais sur ce Terraplane, les Dukes font un travail sonore colossal évoquant autant les Stones que les Yardbirds en bifurquant parfois vers un rock’n roll à la Chuck Berry. Parfois, le folk country refait surface sur certaines pièces. On pense entre autres à Baby’s Just As Mean As Me en duo avec Eleanor Whitmore ainsi qu’à Gamblin’ Blues.

Ce qui surprend sur ce Terraplane, c’est le ton anormalement positif et badin imposé par Earle et sa bande. Compte tenu du passé quérulent du bonhomme, l’effet de surprise est de taille. Cependant, c’est loin d’être indigeste, car le côté décapant de la musique de Steve Earle est conservé intact. Un disque qui fait vraiment penser à Together Through Life sur lequel Bob Dylan se transmute en bluesman.

Aucun réel ratage. Au menu? L’hommage à l’heureuse élue You’re The Best Lover That I Ever Had, le blues crotté The Tennessee Kid, le fox-trot Better Off Alone, la stonnienne Go Go Boots Are Back, le rock violonné Acquainted With The Wind ainsi que la typiquement Earle nommée évidemment King Of The Blues. Pas le meilleur album du doyen, mais Earle fait toujours sentir sa présence avec une pertinence qui l’honore.

Près de trente années de carrière, très peu d’échecs créatifs, beaucoup d’insuccès personnels (l’un ne va pas sans l’autre, semble-t-il) et surtout une intégrité et une authenticité inébranlables. Steve Earle continue à tracer sa propre voie tout en gardant inaltéré l’héritage de la musique traditionnelle américaine. Un vieux routier exemplaire.

Ma note: 7/10

Steve Earle & The Dukes
Terraplane
New West Records
34 minutes

http://steveearle.com

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=9FPttLYUHz4[/youtube]

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