Critiques

Snail Mail

Lush

  • Matador Records
  • 2018
  • 37 minutes
7

Guitariste depuis l’âge de 5 ans, c’est à seulement 16 ans que Lindsey Jordan (Snail Mail) commence à faire des spectacles. À 17 ans, elle sort un premier EP, intitulé Habit, qui ne fait pas trop de vagues jusqu’à la sortie du vidéoclip Thinning. C’est lors de la sortie de cette vidéo que Jordan plonge dans une marée d’offres de la part d’une multitude de maisons de disques. C’est avant même d’avoir écouté l’enregistrement de Lush, que le label Madator Records, qui travaille déjà avec des noms comme Belle & Sebastian, Cat Power, Spoon, Kurt Vile, Savages, Pavement et Car Seat Headrest, signe une entente avec l’artiste.

Si je compare les deux œuvres de Snail Mail, je vois nécessairement en Lush un album plus personnel, modelé avec perfectionnisme où la voix et l’émotion de Jordan sont mises en valeur. Ce premier album parle d’amour, de déceptions, de relations malsaines et d’incompréhensions. Habit était conçu avec plus de spontanéité, la guitare enterrait la voix et la création semblait faite avec plus de naïveté, ce qui faisait en sorte que les pistes suivaient moins une ligne directrice, mais elles étaient en ce sens plus variées et surprenantes. On apprécie Lush après plusieurs écoutes.

Lush est un album mûr, un chaos émotif et transcendant où la poésie est maîtrisée avec brio malgré la banalité des sujets, mais il manque légèrement de surprise, de chansons qui entrent dans la poitrine avec vigueur comme un coup de poing en plein visage. En revanche, la guitare sait exploser aux bons moments dans certaines pièces (Heat Wave et Full Control) et elle soutient merveilleusement la voix vaporeuse de Jordan. Les riffs de guitare agressifs et assumés illustrent bien l’état d’esprit, la colère ou l’incompréhension de la chanteuse par moments, notamment dans Pristine et Golden Dream.

On sent beaucoup d’assurance chez Jordan qui nous démontre qu’elle sait où elle s’en va de chanson en chanson. Dès la seconde pièce, Pristine, elle assume son homosexualité et sa vulnérabilité dans une déclaration d’amour criée d’une voix franche, entourée d’une musique rythmée et presque joyeuse, en opposition avec les paroles mélancoliques et dénudées de toute duplicité. Même chose sur Heat Wave où la chanteuse jette littéralement son cœur à l’encre rouge sur papier pendant plus de 5 minutes, tandis que Let’s Find an Out touche droit au cœur en un bref deux minutes et quelques poussières, avec une écriture adroite et inspirée :

June’s glowing red

Oh strawberry moon

You’re always coming back a little older

But it looks alright on you

Let’s find an out

We’ll start anew

And with the headlights in your eyes

I see it all over you

Burn out when you want

Something that’s lost belongs to you

Someone should pay for it

Well I don’t know who

Let’s Find an Out

Jordan sait bien boucler la boucle avec Anytime qui reprend des paroles de chansons précédentes en terminant avec une sorte de quiétude, une façon d’être en paix et d’enfin pardonner.

Indéniablement inspirée du rock indépendant des années 1990, Snail Mail est un mélange du style de Cat Power (Deep Sea), Courtney Barnett (Full Control) et même Sonic Youth (Anytime) sans oublier l’influence de ses deux mentors Katie Crutchfield du groupe américain Waxahatchee et Liz Phair.