Critiques

PUP

THE UNRAVELING OF PUPTHEBAND

  • Little Dipper
  • 2022
  • 36 minutes
7,5

Depuis plus de 10 ans, la formation pop-punk originaire de Toronto nous propose une musique captant assez bien le sentiment d’aliénation qui accable une partie importante de la population. Au cours des 40 dernières années, en fait depuis la révolution conservatrice menée par Ronald Reagan et Margaret Thatcher, la déréglementation de l’économie qui devait favoriser de meilleures conditions de vie pour tous et toutes, s’est avéré un échec monumental. Le néo-libéralisme n’a pas tenu ses promesses. Point.

Le quatuor mené par le pertinent Stefan Babcock (guitare, voix) a toujours camouflé son désarroi derrière un humour bon enfant. Mais nous ne sommes pas dupes, PUP souffre incontestablement.

En 2019, le groupe nous avait offert Morbid Stuff; une excellente parution dans un genre qui peine à séduire l’auteur de ces lignes. Même si les thèmes abordés par Babcock ne sont pas particulièrement « aimables », l’auteur a toujours su insuffler une bonne dose d’humour et d’autodérision à ses textes. THE UNRAVELING OF PUPTHEBAND paru vendredi dernier ne déroge pas de l’approche habituelle préconisée par la formation.

Enregistré au cours de l’été 2021 au très confortable studio-manoir de Peter Katis (Death Cab for Cutie, Interpol, Kurt Vile) situé dans l’état du Connecticut, on pouvait croire que ce nouvel album emprunterait un virage plus consensuel, compte tenu du fait que le groupe a passé cinq grosses semaines en studio. THE UNRAVELING OF PUPTHEBAND sonne bien entendu comme une tonne de briques, mais le groupe n’a absolument rien perdu de son sarcasme incisif.

Plus éclectique que les précédents efforts, ce long format garde intact le pop-punk fédérateur si caractéristique de la formation, tout en le bonifiant de cuivres, de claviers et d’intermèdes pianistiques. Dans ces petits entractes, le groupe se met dans la peau d’un conseil d’administration d’une multinationale de l’industrie du disque qui traite ses artistes comme de la marchandise, pour ne pas dire autre chose… La réponse à cette vision comptable de l’art réside dans les chansons fielleuses de PUP qui étalent avec une honnêteté implacable la détérioration mentale du groupe.

Dans la conclusive PUPTHEBAND inc. is Filling For Bankruptcy, Babcock se moque gentiment d’un ex-musicien qui a dégoté un emploi dans la vente d’assurances… en sachant pertinemment que c’est le sort qui l’attend lui-même :

« So, you’re selling insurance? That’s so inspiring
Give me two more years, let me know if you’re hiring
I’ll be honest, it felt pretty great
The free shoes and the critical acclaim

I sold those Nikes, I bought a new guitar case
It’s called protecting your investments »

– PUPTHEBAND inc. is Filling For Bankruptcy

Cette désillusion est également perceptible dans une pièce comme Four Chords qui porte sur tous ces vieux amis qui n’ont pas écouté de nouvelles musiques depuis des lustres. Grim Repeating est un alliage réussi entre le pop-punk et l’indie-rock à la Neutral Milk Hotel. Waiting oscille entre des riffs assez lourds et un refrain euphorique.

Sombre et drôle à la fois, totalement accrocheur, THE UNRAVELING OF PUPTHEBAND est un vibrant plaidoyer en faveur de tous ces artistes qui nous divertissent et nous font réfléchir, mais qui peinent à joindre les deux bouts. Rares sont les groupes en mesure d’aborder cette thématique sans verser dans le pathos ou la léthargie, mais force est d’admettre que la sincérité et la lucidité de PUP ont quelque chose d’admirable.