Critiques

Parquet Courts

Sympathy for Life

  • Rough Trade
  • 2021
  • 45 minutes
8
Le meilleur de lca

Qui aurait cru que la formation Parquet Courts serait aujourd’hui considérée comme l’un des groupes rock parmi les plus pertinents des dix dernières années ? De Light Up Gold (2013) à Sunbathing Animal (2014), en passant par Human Performance (2016), Andrew Savage (voix, guitare), Austin Brown (voix, guitare, claviers), Sean Yeaton (voix, basse) et Max Savage (batterie) ont toujours remis en question leur approche créative.

Ces reconsidérations ont mené à l’avènement de Wide Awake ! (2018), album réalisé par Brian Burton, alias Danger Mouse. Ce qui aurait pu conduire à un affadissement complet de l’identité sonore de la formation s’est plutôt transformé en une nouvelle incarnation du quatuor. Sur ce long format, Parquet Courts emprunte un chemin plus pop et plus fédérateur, en ne perdant rien de la rugosité habituelle qui le caractérise. Un exploit.

Dans la conclusion de la critique de cet excellent disque, l’auteur de ces lignes manifestait le désir de ne pas revoir Parquet Courts travailler avec Burton afin d’éviter que le réalisateur s’empare du son des New-Yorkais… ce qu’il a accompli avec la plupart des artistes avec qui il a œuvré.

Co-réalisé avec John Parish (PJ Harvey, Dry Cleaning) et Rodaith McDonald (David Byrne, The XX, Hot Chip), enregistré à Brooklyn au studio The Bridge, le septième album en carrière de Parquet Courts est inspiré par la musique que Savage et Brown ont entendue en écumant les bars marginaux de la Grosse Pomme. Les deux compositeurs se sont également immergés dans la discographie de groupes anglais comme Primal Scream et Pink Floyd afin d’incorporer des éléments psychédéliques et électroniques à leur musique.

Sympathy for Life est un album de « dance-rock » sans que l’aspect groovy des chansons vienne occulter les imparables riffs du groupe. Pour concrétiser cette ambition « dansante », le groupe s’est lancé dans de longues improvisations qui ont été retouchées pour en faire des chansons en bonne et due forme. Dans Black Widow Spider, malgré les guitares résolument rock énergisant la chanson, le rythme et les claviers lui octroient un penchant entraînant. A contrario, une pièce entièrement électronique comme Marathon of Anger — morceau minimaliste inspiré par les manifestations antiracistes du mouvement Black Lives Matter —, remémorant quelque peu Kraftwerk, garde intacte l’écriture chansonnière de Parquet Courts.

This city has changed, as the kettle got tighter

We changed our shape and shot the truth up like a cure

We’ve got the power

The streets are walkin, a marathon of anger

Now it’s time everyone gone to work

– Marathon of Anger

Parmi les nombreuses réussites que contient ce nouvel album, on salue le fort ascendant de James Murphy — le grand manitou de LCD Soundsystem — dans Plant Life et Zoom Out; deux chansons formant la mixture parfaite entre les deux groupes. L’introductive Walking at a Downtown Pace et la conclusive Pulcinella font toutes deux références au port du masque : le déguisement d’un ami pour la première et le masque porté par Polichinelle pour la seconde; ce personnage emblématique de la commedia dell’arte. Ce genre théâtral populaire italien, né au XVe siècle, repose sur des improvisations d’acteurs masqués. Fait à noter, ces deux morceaux ont été écrits et composés avant la pandémie… comme quoi il ne faut jamais douter du pouvoir d’anticipation qu’ont les artistes !

Finalement, la pièce-titre nous replonge dans le funk, à la manière de Parquet Courts bien sûr, mais recelant un je-ne-sais-quoi de leurs vénérés compatriotes, les Beastie Boys.

Encore une fois, Parquet Courts poursuit son périple en terrain cadencé, refusant le surplace et évitant de s’agripper à une bouée de sauvetage créative, comme les Black Keys l’ont fait pendant trop longtemps. Après plus de dix ans d’existence, il est grand temps que Parquet Courts récolte les fruits de ses efforts. Peut-être que Sympathy for Life fera cesser cette injustice, qui sait ?