Critiques

Parquet Courts

Wide Awake !

  • Rough Trade
  • 2018
  • 38 minutes
8
Le meilleur de lca

Pas de doute, Parquet Courts est un groupe rock sur lequel on peut réellement compter. Dès le départ, particulièrement avec Light Up Gold (2013), le quatuor mené par Andrew Savage et Austin Brown avait bien intégré les codes du rock alternatif états-unien (Pixies, Television, Sonic Youth, Pavement, etc.) en les transformant pour en faire quelque chose d’authentique. Par la suite, les New-Yorkais ont convaincu la planète rock avec la parution de Sunbathing Animal, l’un des bons crus de 2014.

Après un disque de transition (Human Performance paru en 2016) et l’amusant Milano (2017) conçu avec Daniele Luppi, Parquet Courts est de retour avec un nouvel album intitulé Wide Awake ! Cette fois-ci, le groupe a pris un important risque en confiant la réalisation à Brian Burton, alias Danger Mouse. Un risque ? Oui, parce qu’avec le « dominant » Burton derrière la console, la probabilité que celui-ci prenne toute la place est décuplée et bien souvent au détriment de la signature sonore naturelle d’un groupe. La lente et subtile transformation des Black Keys en un groupe pop-rock pépère et générique en est la preuve flagrante…

À ma grande surprise, la patte habituelle de Burton est visible, mais Parquet Courts ne s’en est pas laissé imposer d’aucune façon. Après l’enregistrement de Milano, Danger Mouse est entré en contact avec Andrew Savage, invitant la formation à enregistrer son prochain disque dans l’un de ses studios de Los Angeles ou New York. Parquet Courts aime s’imposer des contraintes créatives, préférant enregistrer ses créations dans un bled perdu, loin de New York, dans des lieux incongrus et inconfortables. Le réalisateur n’a donc pas eu le choix de se plier aux exigences du groupe. Et ça donnait le ton à cette relation artistique entre Burton et la formation.

D’autre part, Savage avait envie de produire un disque contestataire, mais constructif. Le positivisme de Burton combiné aux idéaux progressistes du meneur de Parquet Courts ne pouvait que donner des résultats probants. Voilà le disque le plus rassembleur, le plus « professionnel » et le plus amusant de Parquet Courts. La pertinence du groupe est intacte tout en lui permettant d’élargir son public. Les voix de Savage et Brown sont toujours aussi enragées et désenchantées, les guitares sont moins abrasives (fallait s’y attendre), les arrangements sont plus aventureux et Burton amène le groupe dans son univers « groovy » sans lui faire perdre sa personnalité.

C’est excellent du début à la fin. Le brûlot pamphlétaire Total Football donne magnifiquement le ton à ce disque; titre qui est une référence directe à un principe de jeu introduit et mis en place par l’entraîneur de football néerlandais Rinus Michels qui qualifiait le style de son équipe, l’Ajax d’Amsterdam, de « total football ». Dans cette chanson, Savage propose un affranchissement complet du système politique actuel afin de reconstruire un monde plus juste. Utopiste, mais totalement incarné.

Violence porte bien son titre (Savage déclame sa colère avec une honnêteté sans faille). Mardi Gras Beads remémore le summum de Pavement. Almost Start a Fight / In and Out of Patience est une jouissive pièce garage rock. Freebird II est un folk rock psychédélique grisant. Normalization fait penser à Kicking Television de Wilco. On se retrouve dans une sorte de carnaval brésilien avec Wide Awake ! NYC Observation et Extinction sont du Parquet Courts pur jus.

Wide Awake ! est un album rock comme il s’en fait trop peu. Fédérateur, protestataire, amusant, juste assez irréfléchi, ce disque pourrait bien être l’album rock de l’année. Parquet Courts et Danger Mouse ont réussi leur pari. Maintenant, messieurs, on se serre chaleureusement la main, on se congratule et on ne travaille plus jamais ensemble afin d’éviter la redite.