Critiques

Ministry

Moral Hygiene

  • Nuclear Blast Entertainment
  • 2021
  • 47 minutes
6

Après plus de trente-cinq ans de carrière pour le groupe mené par Al Jourgensen, on peut affirmer que cette longévité constitue un véritable exploit… surtout si on tient compte des abus de toutes sortes que le vétéran, aujourd’hui âgé de 62 ans, a infligés à son corps tout au long de son existence. Aujourd’hui, l’homme est sobre. Envers et contre tous, Ministry poursuit sa route.

En 2012, l’artiste déclarait que Relapse était probablement le dernier album de la formation. Un an plus tard, son fidèle acolyte, le guitariste Mike Scaccia, décédait subitement forçant ainsi Ministry à reprendre du service avec From Beer to Eternity, un album-hommage à son ami. Après une pause de cinq ans, Jourgensen récidivait avec le plus ou moins concluant AmeriKKKant, une réponse à l’élection du « peroxydé » qui a servi de président pendant quatre longues années chez nos voisins du sud. Dans ce disque aux accents thrash métal domestiqué, recelant quelques éléments psychédéliques, il pourfend ses compatriotes qui ont voté pour « ça » en 2017. Alors, en cette ère pandémique, quelle avenue créative emprunte ce bon vieux Jourgensen avec ce nouvel album titré Moral Hygiene ?

Enregistré dans le studio maison du leader, Ministry est aujourd’hui formé des guitaristes Cesar Sotto et Monte Pittman (ex-guitariste de tournée de Madonna), du bassiste Paul D’Amour, du claviériste John Bechdel (Prong, Killing Joke) et du batteur Roy Mayorga (Soulfly, Stonesour). Moral Hygiene est un intitulé qui met en lumière l’importance de s’occuper de sa santé mentale en période de turbulences.

Sur ce long format, Jourgensen déplore également la succession des crises sociales, politiques, économiques et environnementales abruptement mises sur pause par la pandémie. Cette interruption nous a tous contraints à réfléchir sur notre « hygiène morale » personnelle, mais aussi à ce civisme collectif en perdition depuis de nombreuses années.

Pour rendre digeste son propos, le Cubain d’origine simplifie ses chansons afin qu’elles soient moins foisonnantes et frénétiques. Ainsi, le plus grand nombre — autant que faire se peut — pourra peut-être mieux saisir son message plus rassembleur.

Une pièce comme Good Trouble où l’on entend un harmonica dans le refrain est un curieux mélange de métal industriel et de punk blues. Disinformation est une charge typique de la part de Ministry qui ridiculise les absurdités proférées par l’ineffable Donald Trump. Broken System, malgré sa linéarité, est un émouvant avertissement que la fin approche pour notre civilisation si nous refusons le changement :

The alarm bells have been sounding for a generation

But this is a moment for you to be heard

We must act now

But are you ready?

– Broken System

We Shall Resist est un plaidoyer pour une insoumission s’inscrivant dans la durée plutôt que dans un effet de mode éphémère.

They were others who spoke for truth

He is of the ancient warnings and visions

The strokes of his pen reveal who truly they are

And in a rush of greed and madness, conspiracists and misfits

Assume total control

– We Shall Resist

Quelques chansons tombent à plat ou versent dans la désuétude. La reprise trop tranquille de Search and Destroy des Stooges est ratée. Death Toll est un anachronisme musical. Believe Me flirte avec le hard rock d’aréna et l’apport vocal du légendaire Jello Biafra dans Sabotage Is Sex est un peu grotesque.

Malgré l’obsolescence de l’offre, on demeure admiratif face à la démarche du vieux routier. En voilà un pour qui la révolte est carrément un mode de vie. Moral Hygiene est un réconfort pour celui ou celle qui se sent impuissant face au survivalisme pandémique, au déni climatique, au racisme et à la dégradation morale.

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