Critiques

Ministry

AmeriKKKant

  • Nuclear Blast Entertainment
  • 2018
  • 47 minutes
6,5

Après le présumé album final de Ministry paru en 2012 (Relapse), le fondateur et grand manitou de la formation « métal/industriel » n’aurait jamais cru être dans l’obligation de ressusciter son projet aussi rapidement. Dès l’année suivante, son fidèle guitariste Mike Scaccia (Rigor Mortis), est décédé subitement forçant ainsi Al Jourgensen a reprendre le collier en colligeant tout le travail effectué avec son comparse. Le résultat : l’avènement du très bon From Beer To Eternity (2013); un hommage violent et grinçant (comme il se doit) à son loyal ami. Une lourde perte pour Jourgensen…

La semaine dernière, le père Jourgensen reprenait du service après 5 ans de répit avec un nouvel album titré « subtilement » AmeriKKKant : une première création sans l’important apport de Scaccia et un premier disque révélé sous la maison de disques Nuclear Blast. Comme vous devez vous en douter, le vieux de la vieille a immédiatement eu envie de reprendre du service après l’élection du président peroxydé qui sévit actuellement chez nos voisins du Sud. Du bonbon créatif pour le vétéran.

Ce AmeriKKKant varge donc sans ménagement sur l’imbécile mouvement « alt-right », sur les trolls qui débitent leurs lubies droitistes sur ce défouloir virtuel que sont les réseaux sociaux, et étonnamment, et dans une moindre mesure, sur notre clown présidentiel préféré. C’est que Jourgensen s’en prend beaucoup plus à semblables qui ont voté pour « ça ». Quand on y réfléchit sérieusement, la conclusion de cette élection en dit assez long sur l’intelligence politique et démocratique d’une vaste majorité de citoyens.

Musicalement parlant, je m’attendais à une production frénétique et intransigeante de la part de Ministry, mais curieusement, Jourgensen et ses acolytes ralentissent la cadence pour nous proposer un périple dans un univers « thrash-métal » domestiqué, aux accents psychédéliques. Toutes les chansons s’enchaînent les unes à la suite des autres, reliées entre elles par des échantillonnages délirants mettant en vedette vous savez qui.

Certains seront exaspérés par cette surenchère de samplings « trumpiens », mais on ne peut contester la sincérité de la proposition, même si AmeriKKKant est l’œuvre d’un artiste musicalement vieillissant, qui forcément, s’autoparodie. Une chanson comme Antifa, calqué sur le riff de Just One Fix – pièce parue sur Psalm 69: The Way to Succeed and the Way to Suck Eggs (1992) – tombe rapidement en désuétude après quelques secondes d’écoute.

Néanmoins, par son propos pertinent et obstiné, AmeriKKKant est un disque tout à fait potable. Dans Twilight Zone et Victims of a Clown, Jourgensen nous lance pêle-mêle des images dérangeantes d’une société états-unienne en perdition, celles-ci appuyées par une multitude de voix robotiques et par l’utilisation d’un violon en fond sonore. We’re Tired of It nous plonge dans le thrash metal à la Slayer/Sepultura et la désabusée AmeriKKKant enfonce le dernier clou dans le cercueil de l’Amérique, du moins pour Jourgensen !

AmeriKKKant est l’œuvre d’un observateur avisé (et profondément en colère) de sa société en perte de repères rassembleurs. On peut reprocher plusieurs choses à ce nouveau Ministry : la désuétude musicale, l’autoparodie, le manque de subtilité du propos, etc. Mais à 59 ans bien sonnés, Al Jourgensen carbure encore à l’indignation. Ne serait-ce que pour entendre ce vétéran hurler son mécontentement avec une honnêteté louable, AmeriKKKant vaut la peine.

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