Critiques

Mamiffer

Statu Nascendi

  • SIGE
  • 2014
  • 37 minutes
8
Le meilleur de lca

12" Glued SleeveLe «statu nascendi» ou la traduction libre du latin, état «nascent», est un processus psychologique de déstructuration et de réorganisation, indique le dictionnaire. Il réfère également en chimie à la forme d’un élément au moment de sa libération en gaz ou à sa reformation en une nouvelle composante, dont la stabilité est variable, bien sûr.

Statu Nascendi de Mamiffer, c’est un peu tout ça. Une douce organisation d’un chaos immanent, en constante réorganisation et dont la précarité de son équilibre n’a d’égal que son potentiel d’explosion.

Mamiffer, pour les néophytes, c’est l’univers de création de Faith Coloccia (House Of Low Culture, Pyramids). C’est son laboratoire d’exploration, dans lequel elle est accompagnée par son conjoint, le grand Aaron Turner (Isis, Old Man Gloom), à la guitare et derrière la console.

Coloccia propose ces jours-ci donc, ce Statu Nascendi dont l’intention esthétique crée un envoûtant tableau d’ombres, sur fond de gris.

Et qu’est-ce que ça donne? Un exercice de style linéaire et texturé d’une grande beauté, dont le charme tient dans cette déstabilisante voix, fragile, et dans l’intensité soigneusement contenue de l’instrumentation. C’est juste ça. Mais c’est aussi tout ça.

Caelestis Partus est une douce entrée en matière avec son riff circulaire et sa charmante mélodie. Caelestis en anglais se traduit par Celestial ou en français, céleste, au sens de «qui provient du divin, de la création». Celestial est aussi le nom du premier LP d’Isis, projet démantelé de Turner. Est-ce là juste un clin d’oeil? Peut-être. Mais elle porte néanmoins bien son nom puisqu’elle est tout à fait angélique cette chanson.

Le deuxième titre est Enantiodromia, la pièce maîtresse de plus de seize minutes. Malgré son sens crypté, celle-ci nous dévoile de manière saillante la démarche de Coloccia. L’«enantiodromia», c’est cette tendance des choses à évoluer dans leur forme opposée, plus précisément, en vertu d’un principe cardinal qui obéit à des cycles naturels analogues à des transitions dans la psyché humaine (c’est une traduction libre).

Sur cette pièce, les claviers à l’avant-plan évoquent quelque part de vieilles sonorités pinkfloydesques – du temps de Barrett – avec, en arrière-plan, cette guitare, prête à déchirer le firmament. Plus loin dans le périple, on sera dans un environnement plus synthétique, parent éloigné de l’environnement sonore de Reznor et Ross, mais au final, toutes ces couches et leurs charges d’intensité, est soigneusement bien contenue dans le travail de composition de Coloccia et gardent l’auditeur alerte dans l’expectative.

Car voilà où Mamiffer excelle. Le potentiel moment de rupture et d’explosion – qui ne vient pas – et qui rend l’expérience d’écoute captivante. Plus captivante encore que les sons, est l’appréhension d’un déchaînement de ces chansons circulaires, anti-climax, qui ordonnent le bordel ambiant qu’elles créent elles-mêmes.

Et par-dessous toutes ces ambiances contraires, que l’on pourrait comparer à un jeu d’attraction/répulsion, il y a cette voix qui trône, douce, calme et envoûtante.

Il est vrai, vous n’écouterez pas Statu Nascendi quarante fois de suite, mais voilà un album de musique expérimental qui sait retenir l’attention sans étirer la sauce (ou pire, la couper avec de l’eau). Quatre titres, trente-sept minutes de musique, je dis «fair enough».

Ma note: 8/10

Mamiffer
Statu Nascendi
SIGE
37 minutes

mamiffer.tumblr.com

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