Critiques

Lightning Bug

A Color of the Sky

  • Fat Possum Records
  • 2021
  • 39 minutes
8
Le meilleur de lca

Shoegaze, dream pop, indie rock, ambient… la formation américaine Lightning Bug ratisse large, mais a su se construire une identité propre, grâce entre autres au chant envoûtant d’Audrey Kang. Avec son troisième album, A Color of the Sky, le quintette new-yorkais propose son disque le plus abouti jusqu’ici, porté par des orchestrations somptueuses et des chansons toutes en langueur et en délicatesse.

Lightning Bug reste malheureusement encore trop peu connu en dehors d’un petit cercle d’initiés. Leur premier album, Floaters, avait pourtant fait un certain bruit en 2015, se frayant même un chemin jusque dans la liste des meilleurs premiers albums de l’année dans le magazine NME. Le groupe a mis quatre ans avant de revenir avec un deuxième album, le très réussi October Song, mais encore là sans jouir d’une très grande visibilité, malgré une critique fort élogieuse sur Pitchfork.

Les choses risquent de changer avec A Color of the Sky, premier album du groupe à paraître sous la réputée étiquette de disques Fat Possum. Sans renier son approche des débuts, Lightning Bug propose une œuvre plus ambitieuse sur le plan musical, avec des arrangements élaborés qui incluent notamment des cordes, de la flûte et des synthés vaporeux. La voix d’Audrey Kang, étonnamment puissante malgré son côté chuchoté reste au centre de l’espace sonore, magnifiée par une production à la fois sobre et expansive qui lui confère du relief et une belle présence.

La musique de Lightning Bug évoque toutes sortes d’influences qui s’entremêlent pour créer quelque chose de cohérent, comme un collage parfaitement réussi. C’est encore le cas sur A Color of the Sky, qui évoque autant My Bloody Valentine (Song of the Bell), Radiohead (I Lie Awake) ou encore le Sigur Rós de l’époque Ágaetis Byrjun (magnifique The Return en ouverture). Le groupe ne craint pas d’ailleurs d’afficher ouvertement ses allégeances. Ainsi, l’interlude instrumental The Chase sonne comme un hommage à Talk Talk avec son esthétique à la Laughing Stock.

Même s’il bénéficie d’une production plus soignée que les deux disques précédents, A Color of the Sky conserve cette simplicité caractéristique de Lightning Bug. Plusieurs titres sont basés sur une progression d’accords jouée sur une guitare acoustique à laquelle s’ajoutent diverses couches instrumentales pour créer une série d’ambiances. La planante The Right Thing Is Hard to Do en est un bon exemple, tout comme la superbe September Song, pt. II, la plus bouleversante du lot, qui tombe presque dans le folk psychédélique dans sa finale. Je m’en voudrais d’oublier la chanson-titre, toute en dépouillement, sorte de lettre d’amour qui tient en quelques phrases à peine :

« I will always be your friend

I love you has no end

And with that, I send

Us both into mystery

And I’ll try not to worry

’Cause it’s only a story ».

A Color of the Sky

La voix d’Audrey Kang, même si elle reste frêle et prête à se rompre à tout moment, semble aussi plus assurée, et sa poésie navigue habilement entre l’énigmatique et le profond, avec en prime quelques questionnements existentiels (« If I empty me of all my self / Am I a vessel or a shell? », chante-t-elle sur la vaporeuse Song of the Bell). Elle a aussi trouvé un ton plus distinctif, avec un peu moins d’inflexions à la Dolores O’Riordan (The Cranberries), à part peut-être sur Wings of Desire.

A Color of the Sky est une des très belles surprises depuis le début de l’année, en ce qui me concerne. Le genre d’album qui se prête à toutes sortes de circonstances, assez doux et planant pour s’écouter un dimanche matin à l’heure du déjeuner, mais aussi plein de moments plus sombres, qui s’apprécient mieux en solitaire, une fois la nuit tombée. Du shoegaze, oui, mais avec une très belle sensibilité folk.