Critiques

Jeff Rosenstock

Hellmode

  • Polyvinyl Records
  • 2023
  • 41 minutes
7,5

Dans le milieu du punk rock états-unien, l’auteur-compositeur originaire de Long Island est fortement respecté pour son indépendance créative. L’artiste a toujours obstinément refusé toute forme d’aide financière provenant de grandes maisons de disques ou de toute autre bailleur de fonds aux poches profondes. L’anti-consumérisme acharné d’une formation comme Fugazi a toujours été une inspiration pour Jeff Rosenstock, même si musicalement les univers sonores sont significativement éloignés.

Pour ce cinquième album intitulé Hellmode, Rosenstock s’est donc installé avec ses musiciens au EastWest Studios pour enregistrer en une petite semaine, et majoritairement en direct, l’essentiel de son nouveau long format. Cette fois-ci, même si la présence du « power-pop-punk » habituel du musicien est à l’avant-plan, on y décèle aussi de fortes influences indie rock. On peut donc entendre une guitare remémorant celle de Doug Martsch de la formation Built to Spill dans Graveyard Song. Dans I Wanna Be Wrong, c’est le rock carré de la formation The Hold Steady qui est évoqué. Or, les fans ne devraient pas s’inquiéter outre mesure de ces écarts, car Rosenstock garde ses deux pieds bien ancrés dans le punk rock.

Côté texte, l’homme ne désarçonnera aucun de ses admirateurs avec son engagement social coutumier. L’auteur sait pertinemment que la vie socioéconomique en Occident n’est pas de tout repos pour les moins nantis, mais la vaste majorité des chansons de cet opus recèle une sorte de lucidité optimiste qui fait du bien.

Dans la conclusive 3 Summers, Rosenstock met en relief ses propres contradictions quant à son ardent désir de vivre dans un monde plus égalitaire :

Don’t you pretend
The world is treating us equal
When a person can starve as another one hops in a
Lyft plus to JFK
To Europe, expenses paid
I know it’s note okay
But I still participate

– 3 Summers

Parmi les autres morceaux satisfaisants de ce Hellmode, on salue les trois premières pièces de cette création. Titrés respectivement Will U Still U, Head et Liked U Better, ces brûlots lancent les hostilités avec dynamisme. Les amoureux du « bon » Weezer devraient s’y retrouver dans Life Admin et Soft Living. Future Is Dumb est une référence directe à cet « optimisme lucide » mentionné précédemment dans le texte. Healmode est une chanson personnelle et tempérée qui porte sur le sentiment qui habite Rosenstock lorsqu’il quitte son minuscule appartement new-yorkais pour marcher seul sous la pluie.

Si avec Worry (2016) et Post- (2018), Rosenstock nous avisait que le pire était à venir pour l’humanité, sur Hellmode, l’auteur-compositeur affirme que ce « pire » est à nos portes et, comme nous tous, il n’a aucune solution concrète à proposer tant il est pétrifié par l’ampleur de la tâche qui nous attend. Cette sincérité / humilité dont le musicien fait preuve confirme à nouveau le fort capital de sympathie que l’artiste possède dans l’univers du punk rock américain.

D’ordinaire, le pop punk mélodique laisse passablement de marbre l’auteur de ces lignes. Or, Jeff Rosenstock insuffle suffisamment de véracité dans ses chansons pour inciter votre modeste scribe à apprécier à sa juste valeur la sensibilité de l’artiste.

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