Critiques

Jaye Jayle

Don’t Let Your Love Life Get You Down

  • Pelegiac Records
  • 2023
  • 39 minutes
7,5

En plus d’être le meneur d’une des formations noise rock parmi les plus mésestimées qui soient — Young Widows, pour ne pas la nommer —, Evan Patterson consacre beaucoup de son temps à son alias, Jaye Jayle. Après avoir lancé plusieurs simples sous des formats singuliers (cassettes, 45-Tours, etc.), l’Américain nous présentait en 2018 un excellent premier album, No Trail and Other Unholy Paths. Deux ans plus tard, il récidivait avec Prisyn; un virage « cold wave » réussi qui s’éloignait de la nature organique habituelle de son travail.

Jaye Jayle — pseudonyme qui évoque un geai bleu séquestré dans une cage — nous propose donc son troisième opus en carrière. Intitulé Don’t Let Your Love Life Get You Down, ce long format, réalisé à nouveau avec Ben Chisholm (Chelsea Wolfe, Xiu Xiu), est le fruit d’une réflexion personnelle de Patterson émanant de son divorce avec l’autrice-compositrice-interprète Emma Ruth Rundle.

Tout au long de cette difficile démarche, le musicien s’est évertué, autant que faire se peut, à ne pas se laisser happer par ce tsunami d’émotions extrêmes qui auraient pu submerger sa santé mentale. Malgré la surcharge émotionnelle que peut provoquer une séparation, Don’t Let Your Love Life Get You Down n’est pas une création oppressante. Au contraire, c’est l’ouverture et la vulnérabilité de l’artiste qui est ici célébré.

La pièce introductive, titrée Warm Blood and Honey, est un bon indicatif de ce qui attend l’auditeur lors de l’écoute de l’album. Ce gospel bourdonnant raconte l’histoire d’un homme qui réévalue sa perception de l’existence alors qu’il est suspendu dans les airs après avoir sauté d’un pont…

Bien entendu, les souffrances rattachées à une interminable procédure de divorce sont évoquées, mais Patterson ajoute de bonnes doses de lucidité à ses réflexions. Dans Waiting for the Life, il nous exhorte à cesser d’attendre quoi que ce soit de l’existence, car pour lui, le « vivant » est constamment présent autour de nous, si on y porte réellement attention. Tout ça avec une approche vocale remémorant le bon vieux Nick Cave.

Stop waiting for that life

To return

So, tell me live

– Waiting for the Life

Musicalement, l’auteur-compositeur nous escorte cette fois-ci vers un hybride entre le rock de No Trail and Other Unholy Paths et l’électro de Prisyn. Les admirateurs de Spiritualized, Leonard Cohen et Mark Lanegan devraient apprécier ce nouvel album de Patterson.

Parmi les meilleurs moments, on salue l’électro-rock grandiose et émouvant qui caractérise The Party of Redemption. Black Diamonds and Bad Apples met en lumière l’incompatibilité de caractère qui se révèle sournoisement entre deux amoureux. Dans When We Are Dogs, la performance vocale sentie de l’invité Bonnie « Prince » Billy est une éclatante réussite.

Un seul bémol : l’apport mélodique linéaire de Patterson empêche certaines chansons d’atteindre tout leur potentiel. Or, ne boudez pas votre plaisir, Jaye Jayle est un créateur d’ambiance exceptionnel.

Don’t Let Your Love Life Get You Down est donc un disque à écouter à la tombée du jour, dans la pénombre si possible, verre à la main, en vous laissant porter par les atmosphères lugubres et lumineuses à la fois confectionnées par le duo Jayle / Chisholm.

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