Critiques

Jaye Jayle

Prisyn

  • Sargent House
  • 2020
  • 39 minutes
8
Le meilleur de lca

La maison de disques Sargent House possède un répertoire d’artistes parmi les plus intéressants de la musique indépendante états-unienne. On pense à Chelsea Wolfe, Deafheaven, DIIV, Earth, Lingua Ignota et plusieurs autres. La vaste majorité de ces créateurs épouse une esthétique sonore ténébreuse, parfois gothique, souvent morbide.

Evan Patterson cadre parfaitement avec la philosophie de Sargent House. En mode solo, le musicien adopte l’alias Jaye Jayle afin d’explorer une palette sonore différente de ce qu’il offre habituellement avec l’excellente formation noise rock Young Widows; un groupe à découvrir impérativement.

Vendredi dernier, le personnage était de retour avec un nouvel album intitulé Prisyn; le successeur du superbe No Trail and Other Unholy Paths paru en 2018. Coréalisé avec l’ami Ben Chisholm – un proche collaborateur de Chelsea Wolfe – Jayle s’enracine dans une musique industrielle minimaliste qui emprunte à la cold wave, à la musique expérimentale et au rock gothique.

Conçus et enregistrés en tournée durant trois mois, la musique et les textes furent créés séparément; le duo Patterson-Chisholm optant pour un collage musical plutôt que pour une session d’enregistrement planifié en studio. Inspiré par les grands espaces, la musique de Jayle prend tout son sens lors de longues errances contemplatives, en fin de soirée de préférence, surtout en période pandémique…

Prisyn fut d’abord élaboré comme la trame sonore d’une performance de danse contemporaine. De plus, tout au long du processus de création, le spleenétique Jayle a fantasmé que ses nouvelles chansons seraient chantées par Iggy Pop… et ça paraît, sans que Patterson verse dans un honteux plagiat. Dans The River Spree, Jayle nous transporte en Allemagne en rendant hommage aux créations berlinoises de Bowie (Low, Heroes et Lodger) et Osterberg (The Idiot) :

« Berlin, that’s what I’m in

I’m thinkin’ about David

Thinkin’ about Iggy

Broken glasses

And a dead phone

Torn sheet of paper

On my tongue »

The River Spree

Les ambiances sont lugubres, inquiétantes et résultent directement de la confusion qui s’incruste sournoisement lorsque l’on tourne de ville en ville. Mais la conclusion de ce Prisyn, titrée From Louisville, voit Patterson retrouver une certaine forme de sérénité. De retour chez lui – il est originaire de la plus grande ville de l’état du Kentucky – l’artiste retrouve son havre de paix :

« Here in this dug well

There is where those blue birds fell

Sweethearts don’t you ever give in

Even when you’re at your end »

From Louisville

Certains pourraient reprocher à ce disque un manque de cohésion, mais puisque cette création est une sorte de journal de tournée – avec l’instabilité imposée par les constants déplacements – ce sont ces subtils changements d’atmosphères et ces intermèdes singuliers (Synthetic Prison et The Last Drive) qui crédibilisent encore plus la démarche de Patterson.

Prisyn est un disque exigeant et sans compromis. Si vous aimez les Nick Cave, Mark Lanegan et Trent Reznor (Nine Inch Nails) de ce monde, mais en formule expérimentale, vous serez séduits par l’univers de Jaye Jayle.

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