Critiques

Idles

Joy as an Act of Resistance

  • Partisan Records
  • 2018
  • 42 minutes
8,5
Le meilleur de lca

« Joy as an Act of Resistance ».

Voilà une affirmation qui mérite une réflexion plus approfondie. Et si la colère ne faisait plus partie de la solution ? Et puisque la situation actuelle et à venir n’augure rien de bon (funestes changements climatiques, virage politique vers l’extrême-droite dans plusieurs démocraties occidentales, avidité sans fin d’une certaine caste de salopards richissimes, etc.), est-ce que l’expression d’une « euphorie radicale » pourrait permettre à l’humanité de s’unifier dans le but de rénover ce monde qui en a bien besoin ? Peut-être que la joie comme acte de résistance n’est qu’un apaisement passager en attendant une certaine fin du monde ? Qui sait ?

Formé en 2010, originaire de Bristol en Angleterre, le quintette punk Idles nous avait impressionnés avec Brutalism, disque paru l’an dernier. Joe Talbot, Adam Devonshire, Mark Bowen, Lee Kiernan et Jon Beavis étaient de retour la semaine dernière avec un nouveau brûlot. Réalisé par Space, mixé par Nick Launay et Adam Greenspan, ce Joy as an Act of Resistance est un pur chef-d’oeuvre punk.

Voilà cinq jeunes hommes qui abordent franchement des sujets difficiles : masculinité toxique (l’apanage de nombreux hommes narcissiques), l’amour sans condition, l’immigration, le Brexit, etc. Ce qui différencie Idles de ses semblables, c’est que le groupe fait preuve d’une émotivité jamais larmoyante, d’une lucidité lumineuse et d’une sincère empathie.

L’immense mérite de ce disque est le fait qu’Idles réussit à nous convaincre que la joie, comme rempart à toute cette haine et désillusion ambiante, est possible et même souhaitée.

Musicalement, les Anglais passent aux ligues majeures. Premier constat : la réalisation est béton, les guitares explosent dans le casque d’écoute et les refrains choraux – une nouveauté – sont jouissifs. Deuxième constat : les chansons sont moins linéaires et le chanteur Joe Talbot est mélodiquement impeccable, gardant intactes ses modulations inharmonieuses.

Et de grandes chansons, en voulez-vous ? L’idée de scinder Colossus en deux parties distinctes est géniale. Les refrains de Never Fight a Man with a Perm et Great vous feront brandir le poing frénétiquement. Le penchant post-punk de la rassembleuse Danny Nedelko est une réussite totale. Joe Talbot nous arrache les larmes avec June : un hommage bouleversant à sa fille décédée à la naissance. Le changement de ton qui mène au refrain dans Gram Rock rend fou et la finale chaotique de Rottweiler est une bonne indication de ce que le groupe peut faire en concert.

Rien d’autre à ajouter à part le fait que Joy as an Act of Resistance est un « fuck you » électrisant, enivrant et d’une sincérité incontestable.

Un disque extrêmement purgatif !