Critiques

Fuudge

…Qu’un cauchemar devienne si vrai

  • Folivora Records
  • 2023
  • 34 minutes
8
Le meilleur de lca

La plupart des mélomanes férus de musique rock s’entendent pour classer la formation québécoise Fuudge dans le tiroir « stoner psychédélique ». La formation, menée par le multi-instrumentiste David Bujold, emprunte bien sûr au stoner, mais également au psychédélisme des années 60 et 70. Or, on soupçonne fortement le compositeur d’être un fanatique de grunge et de rock garage. La mythique formation Nirvana, entre autres, doit jouer régulièrement dans la chaumière de ce musicien autodidacte, mais hautement compétent.

En 2016, Fuudge avait épaté l’auteur de ces lignes avec des prestations béton dans le cadre du concours-vitrine Les Francouvertes. Deux ans plus tard, Bujold et ses acolytes confirmaient ce que nous avions vu et entendu avec la parution de l’album Les Matricides. En 2020, c’est Fruit-Dieu qui a conquis les amateurs de rock. Même si, de prime abord, le virage mélodique effectué par l’auteur-compositeur avait alors légèrement refroidi nos ardeurs, au fil des écoutes, le charme a de nouveau opéré. Un an plus tard, le groupe nous proposait une relecture acoustique, orchestrale et réussie de son répertoire avec Déplogué au Grand Théâtre; un clin d’œil assumé au Unplugged in New York (1994) de vous savez qui.

Fuudge est donc de retour avec un troisième opus intitulé …Qu’un cauchemar devienne si vrai. Fidèle à son habitude, Bujold a signé paroles, musique, réalisation, conception de la pochette, graphisme, en plus de jouer d’une panoplie d’instruments. Ses accompagnateurs coutumiers, Olivier Laroche (batterie), Pierre-Alexandre Poirier-Guay (basse, arrangements, voix additionnelle) et Vincent Laboissonnière (Mellotron) ont prêté main-forte sur quelques chansons, mais grosso modo, c’est le meneur qui s’est tapé la majeure partie du boulot.

Cette fois-ci, Bujold fera plaisir à ceux et celles qui préfèrent son véhicule créatif en mode abyssal. …Qu’un cauchemar devienne si vrai est l’album le plus lourd de la formation. Dès le départ, avec l’introductive Jusque dans la tombe, Fuudge annonce clairement ses couleurs avec un stoner rock pur et dur, mais qui modifie sa trajectoire sans crier gare à l’aide d’un changement rythmique et d’une guitare frénétique en conclusion.

L’ascendant de feu Kurt Cobain s’entend explicitement dans des morceaux comme J’aimerais ben ça aimer ça (mais j’aime pas ça), Heureux les niais et Pardon mononc’, mais Bujold ne verse jamais dans le pastiche. Et il y a pire comme influence, disons-le. De plus, le compositeur aime bien ponctuer ses chansons de moments sonores cléricaux qui sont des allusions sarcastiques à notre héritage religieux.

Les textes de l’auteur-compositeur, eux, sont toujours aussi bruts et sans fioritures « littéraires », mais ils ont au moins le mérite d’être intelligibles. Derrière cette franchise se cachent des préoccupations profondes que l’auteur reprend à nouveau sur cet album; la mort, l’humiliation et l’anxiété, entre autres.

On salue le jouissif rallentando à la toute fin de Ta yeule, toute va ben. Les harmonies vocales célestes dans On aime les Saints sont sublimes. En plein milieu de T’arracher l’cœur, l’élévation vers une sorte de folk narcotique, un brin beatlesque, n’a d’égal que la lente valse qui nous reconduit dans les bras brûlants de Satan. On note une subtile influence des White Stripes dans l’excellente Sans fermer les yeux et l’influence punk hardcore dans Pas besoin d’un assassin est franchement efficace.

Bref, David Bujold et ses ouailles sont en parfaite maîtrise de leur art. À l’heure actuelle, Fuudge est sans conteste l’un des meilleurs groupes rock québécois. Sinon, le meilleur…

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