Critiques

Fuudge

Déplogué au Grand Théâtre de Québec

  • Lazy At Work
  • 2021
  • 41 minutes
8
Le meilleur de lca

C’est lors de l’édition 2016 des Francouvertes qu’on a découvert la formation stoner rock Fuudge. Depuis ce temps, on ne cesse de répéter à tout vent que le quatuor est voué à un brillant avenir. En 2018, avec la sortie du long format Les Matricides, la bande menée par le maestro David Bujold confirmait les espoirs placés en elle. Un an plus tard, avec Fruit-Dieu, la consistance chansonnière du quatuor était de nouveau démontrée. En mars 2020, l’irruption de la COVID-19 a modifié radicalement le modus operandi créatif de plusieurs artistes. En mode survie, certains d’entre eux ont donc dû « se réinventer » …

Le 27 février dernier, à la salle Louis-Fréchette du Grand Théâtre de Québec, Fuudge enregistrait une performance en direct, sans public, transformant quelques chansons tirées de son répertoire en format acoustique et orchestral. Le 26 mai suivant, ce concert fut présenté sur la plateforme virtuelle du Grand Théâtre. Tout ce qui gravite autour de la musique émergente québécoise a salué avec enthousiasme la qualité musicale et visuelle de ce spectacle mis en scène par nul autre que Navet Confit. Estelle Charron (scénographie), Mathieu Roy (éclairage), Ben Bouchard (son et mixage) et Frédérique Bérubé (réalisation) ont fortement contribué à magnifier la prestation du groupe et de ses accompagnateurs.

Au sujet du joyau culturel de la Capitale-Nationale, Bujold déclarait ceci au journal Le Soleil : « C’est comme un endroit mythique, un carrefour culturel immense. C’est dans une ligue qui ne nous appartient pas à nous, qui est comme plus haute. Normalement, on n’est pas censé jouer au Grand Théâtre de Québec. C’est un immense privilège de faire ça ».

En plus des membres habituels de la formation (Olivier Laroche, Pierre Alexandre et Vincent Laboissonnière), Bujold a fait appel au quatuor à cordes Lunes, à Sheenah Ko (piano, vibraphone) et à Flavie Léger-Roy (guitare, voix) pour enjoliver les chansons rock de son groupe. Les arrangements de cordes ont été élaborés avec minutie par Pierre Alexandre (Barrdo), incluant le grain de sel coutumier de Bujold.

Si le concert a conquis les admirateurs du groupe, que dire de ce superbe album ? Fuudge déménage ses chansons vers un univers évoquant à la fois la musique de chambre, le folk rock orchestral à la Nick Drake et, bien entendu, vers le grunge de Nirvana, celui de l’album Unplugged in New York (1994). La prise de son est impeccable. La performance est précise et hautement sentie. En évacuant le fuzz d’usage, les chansons de Bujold s’envolent dans la stratosphère, mais en ne perdant rien du penchant parfois étrange et menaçant qui les caractérisent. Cette épuration sonore pourrait peut-être valoir à Fuudge une expansion de leur public traditionnel.

Une nouvelle pièce fait son apparition parmi les « classiques » de la formation. Efface ta mort est une pièce portant sur les thèmes de la trahison et de la sincérité. On salue la mixture piano et quatuor à cordes dans En sang ; une vraie pourvoyeuse de frissons. La conclusion orchestrale dans Beurrée de marde est à couper le souffle. Tu peux prendre soin de mon âme rappelle autant le Beck de l’album Mutations que le bon vieux Fred Fortin.

Au risque de taper sur le même clou, l’auteur de ces lignes considère Fuudge comme étant le meilleur groupe de rock québécois à l’heure actuelle. Certaines fines bouches pourraient faire la moue face à l’influence manifeste du Nirvana « débranché », mais l’inventivité des orchestrations et des relectures, la qualité de la prise de son et de la réalisation font de cette version « déplogué » de Fuudge un incontournable à posséder dans sa collection de disques.

Un album-culte en devenir, qui sait ?

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