Critiques

Dan Deacon

Mystic Familiar

  • 44 minutes
7

Le compositeur Dan Deacon est devenu un artiste très apprécié des fans d’électro pop dès son premier album Spiderman of the Rings (2007), dont le titre représentait étonnement bien sa façon de mélanger de la pop synthétique avec de la composition classique. Cette combinaison a évolué à travers les trois albums suivants, Bromst (2009), America (2012) et Gliss Riffer (2015), dont l’identité sonore est devenue facile à reconnaître, dans la mesure où les motifs et les arpèges sont souvent enchaînés comme s’il n’y avait pas de lendemain, accumulant les couches comme de la pluie de notes. Deacon est revenu à la fin janvier dernier avec Mystic Familiar, un cinquième album qui reprend la technique de composition à laquelle il nous a habitués, sans prise de risques, mais avec un thème plus homogène et introspectif, et un peu répétitif.

Les accords de piano ouvrent Become a Mountain en bondissant rythmiquement, accompagnés progressivement par une première séquence arpégée dans le registre moyen, et une deuxième dans les aiguës. La voix de Deacon prend place à travers l’assaut de notes et chuchote momentanément avant que ça passe au ruissellement musical pendant le refrain. Le mouvement reprend une deuxième fois jusqu’au geyser harmonique généré par l’orchestre d’accordéons, un peu comme si Arcade Fire et Danny Elfman jouaient en même temps. L’interlude Hypnagogic amincit la sauce avec un solo de synthétiseur qui semble tiré d’une pièce de rock progressif. Ça sert clairement de mise en place à Sat By a Tree, qui prend la direction post-punk pour accélérer le tempo et servir de base à l’envolée mélodique qui s’en suit. Deacon revient au chant, et bien que sa performance semble être placée au milieu d’un orage, on arrive à saisir l’intention derrière l’élan général du thème.

Les quatre pièces suivantes sont montées en quatre parties, débutant par Arp I : Wide Eyed, dont la séquence synthétique de départ oscille vers des percussions asiatiques. Les pistes s’accumulent en un bloc dense de circuits électroniques rendu à Arp II : Float Away, par-dessus lequel s’élance un solo de synthétiseur bien amusant. La transition vers le couplet suivant est très réussie, on ressent une respiration qui équilibre momentanément avec le nombre d’événements sonores. Arp III : Far From Shore commence sur un solo de saxophone affolé soutenu par des synthétiseurs atmosphériques des années 80. Ça devient sérieux quand la voix vocodée chante de façon robotique, et ça vire post-punk rendu au refrain avec la voix trafiquée à l’hélium. Le rythme effréné laisse la place à la couche texturée de bourdonnements électroniques de Arp IV : Any Moment, complété par un accord d’orgue atmosphérique probablement inspiré d’une pièce de Pink Floyd.

Un synthé oscillant accompagne une boucle au violon sur Weeping Birch, créant un joli balancement rythmique dont le thème chevauche l’automne et l’hiver. La deuxième strate de séquences arpégées vient élaborer le motif à un niveau symphonique, n’hésitant pas à faire ressortir le sautillement des notes comme une accumulation harmonieuse. Fell Into the Ocean apparaît au piano électrique itératif et s’intensifie progressivement avec des cuivres, des claviers et la voix de Deacon, ce qui nous amène au sommet de l’album dans une forme de balade post-punk. L’échantillon de chœur féminin joué au clavier démarre My Friend tout doucement, jusqu’à ce que la séquence à la basse électronique typiquement eighties apporte une teinte fluorescente à la pièce. Deacon chante de façon un peu nonchalante pendant que le passage prend son souffle pour nous projeter vers le refrain frénétique. Bumble Bee Crown King ouvre sur un accord de synthétiseur et une boîte à rythmes réverbérée qui fait un solo de batterie accélérée, avec un solo de guitare électrique, celui-ci performé en parallèle. La progression atteint un sommet à mi-chemin, surchargée de séquences musicales et de dédoublement de notes, qui expire très lentement pour terminer sur des scintillements et et un ciel étoilé.

Il n’y a pas à dire, il s’en passe des choses sur Mystic Familiar, pas mal toutes des bonnes, mais disons qu’ici l’expression « trop, c’est comme pas assez » est appropriée. Deacon maîtrise l’art du phrasé et peut aisément faire du contrepoint comparable à de la musique symphonique, mais il ne prend pas le risque d’en enlever suffisamment pour renouveler l’anticipation. Le motif central d’orchestre électronique progressif se retrouve dans pratiquement toutes les pièces, et bien que ce soit merveilleux musicalement, l’effet de répétition des notes peut devenir épuisant pour l’oreille. Cela dit, les paroles et le chant rendent bien le thème abstrait de l’album et assure une présence humaine qui contraste avec le mur de son placé derrière.

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