Critiques

Pere Ubu

20 Years in a Montana Missile Silo

  • Cherry Red Records
  • 2017
  • 33 minutes
7

David Thomas est un artiste. Un vrai. Depuis près de 40 ans, il est le meneur de la formation « art-rock », parfois expérimentale, nommée Pere Ubu. Originaire de Cleveland, Ohio – ville industrielle plutôt portée vers ses équipes de sports professionnels que vers la création artistique – Thomas s’évertue à créer sans se soucier que son ego (ou son portefeuille) soit satisfait à sa pleine capacité. Après autant de décennies vouées à repousser humblement les limites de son imagination, le mastodonte demeure pertinent et rempli de surprises… car Pere Ubu fait rarement le même album deux fois d’affilée.

En 2013, le dépouillé Lady From Shanghai frayait avec l’électro et Carnival of Souls, paru en 2014, se tournait un peu plus vers le rock. La semaine dernière, Pere Ubu était de retour avec son 16e album en carrière intitulé 20 Years in a Montana Missile Silo. Comme toujours, Thomas propose une démarche artistique singulière : un groupe rock, un peu « slacker », enfermé depuis plus de 20 ans dans un silo à grain situé dans l’état du Montana, revient à la vie en ces temps incertains. Pas besoin de vous expliquer que cette nouvelle sitedemo.cauction est résolument rock et étonnamment « élémentaire », compte tenu de ce que Pere Ubu a l’habitude de concevoir.

Pas un mauvais disque de la part de cet important groupe, mais ceux qui les préfèrent en mode « champ gauche » pourraient demeurer de marbre face à cette nouvelle proposition. Même si l’arrivée du guitariste Gary Siperko au sein de la formation n’est pas étrangère à ce virage rock – portant le nombre de musiciens à un total de 9 – j’ai eu peine à distinguer l’apport concret de cette armada d’instrumentistes. Tout au long de l’écoute de cette musique un peu anachronique (et c’est voulu !), j’ai dénoté un manque de puissance et de relief dans le son d’ensemble.

Comme d’habitude, Thomas est parfaitement à sa place avec sa voix chevrotante et parfois inharmonieuse. Et il est à son summum dans The Healer. Avec un authentique chagrin dans sa voix, il répète un « I see too much » qui, en plus de faire référence à son âge vénérable (64 ans), nous en dit long sur la tristesse qui l’envahit face à l’état social dans lequel son pays baigne actuellement.

Cela dit, ça demeure un autre album de qualité à ajouter au foisonnant compteur de Pere Ubu. Je vous conseille d’écouter attentivement la très post-punk Monkey Bizness, l’inclination « Stooges » entendue dans Toe to Toe, le rock nerveux Red Eye Blues et l’excellent riff, évoquant un peu le travail de Lou Barlow au sein de Sebadoh, dans Swampland.

Pere Ubu est dans une de ses périodes parmi les plus prolifiques de sa carrière, du moins depuis l’époque de la fin des années 70 et du début des années 80; celle qui a fait rayonner le groupe à une plus grande échelle. Ne serait-ce que pour cette seule raison, je vous invite à aller faire un petit tour vers ce 20 Years in a Montana Missile Silo. Sans être une création révolutionnaire, ce disque constitue néanmoins un crédible rappel qu’être créatif n’a pas d’âge et que David Thomas en est l’exemple le plus probant.

Ma note: 7/10

Pere Ubu
20 Years in a Montana Missile Silo
Cherry Red
33 minutes

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