Cass McCombs
Heartmind
- Anti- Records
- 2022
- 42 minutes
C’est en 2011 avec la sortie de l’album Wit’s End que l’auteur de ces lignes s’est familiarisé avec la musique de l’auteur-compositeur-interprète états-unien Cass McCombs. Son écriture chansonnière unique, toujours ponctuée de progressions d’accords étonnantes, nous avait alors séduits. Depuis ce temps, on suit attentivement la trajectoire constante, mais juste assez novatrice de ce songwriter qui mériterait une reconnaissance plus accrue de son travail.
En fait, McCombs est un artiste qui préfère tourner le projecteur vers ses chansons plutôt que sa personnalité et, dans un monde qui carbure aux « personas » plutôt qu’à la pertinence et à la sobriété, l’Américain peine à se faire entendre.
En 2013, l’artiste nous avait épaté avec cet excellent album double intitulé Big Wheel and Others. Trois ans plus tard, il revenait à la charge avec une création hautement sensuelle titrée Mangy Love. En 2019, McCombs gagnait à nouveau notre cœur avec un long format de soft-rock contemplatif et indolent qui se révèle au fil des écoutes : Tip of the Sphere.
Le discret McCombs est donc de retour avec une 10e création studio : Heartmind. Ces dernières années, en plus d’être affecté comme nous tous par les confinements pandémiques, l’homme a dû faire le deuil de quelques êtres chers, la plupart décédés de longues maladies.
Enregistré en partie à Brooklyn et dans la ville de Burbank en Californie, Heartmind a été coréalisé avec l’aide de Shazad Ismaily (compositeur pakistanais), Buddy Ross (Buddy Ross & His Pals) et Ariel Rechtshaid, connu pour son travail avec Haim.
S’inspirant de tous ces êtres qui ont disparu de son existence, McCombs a écrit et composé ses nouvelles chansons en mode esseulé et les a ensuite soumises aux nombreux musiciens qui ont participé aux séances d’enregistrement de ce nouvel album. De Wynonna Judd, en passant par Danielle Haim (Haim) et le violoniste Charlie Burnham, ainsi que plusieurs autres, ces chansons endeuillées ont été remodelées par l’apport de tous ces instrumentistes. Ce sont les collaborations et la musique qui ont, semble-t-il, sauvé McCombs d’un naufrage émotionnel fatal.
Sur Music Is Blue, il y va d’une profession de foi sentie pour son mode d’expression artistique :
Once upon a time
I convinced myself music was there was
– Music Is Blue
Pour McCombs, la musique peut réconforter et guérir. Dans l’émouvante Belong To Heaven, il s’adresse à tous ses êtres chers disparus, mais aussi à ses proches collaborateurs, en affirmant simplement ceci :
Music was all we needed
– Belong To Heaven
Fidèle à son habitude, il nous escorte dans un univers bien à lui, amalgamant délicatement des incursions dans le folk, la pop et le soft-rock. La conclusive pièce-titre est une longue et lente plongée dans des eaux jazzistiques, mais de manière contemplative. Par moments, on pense à la superbe Reservations, pièce qui conclut admirablement bien le classique de la formation Wilco, Yankee Hotel Foxtrot.
Le compositeur nous propose également deux chansons qui détonnent quelque peu dans son corpus chansonnier. Krakatau emprunte aux rythmiques caribéennes tout en conservant intact son soft-rock habituel. Cette fois-ci, on pense à Calexico. Pour sa part, A Blue, Blue Band est un clin d’œil réussi au country-folk de Leonard Cohen.
Sans être aussi enthousiasmant que les précédents efforts du songwriter, Heartmind atteint encore une fois les standards de qualité auxquels nous a habitués Cass McCombs. En prêtant ses chansons « assombries » à de nombreux contributeurs et musiciens, l’homme a voulu insuffler un peu de soleil à ses nouvelles compositions.
Pour votre humble scribe, cet ensoleillement chansonnier étouffe un peu trop les souffrances de McCombs. Du même souffle, c’est ce désir de célébrer la vie en toute subtilité qui fait de ce Heartmind une autre réussite à ajouter dans la discographie de l’artiste.