Critiques

Calexico

The Thread That Keeps Us

  • City Slang Records
  • 2018
  • 42 minutes
7

Joey Burns et John Convertino sont deux visionnaires qui s’évertuent depuis plus de vingt ans à moderniser la musique traditionnelle américaine. Ouverts sur le monde tout en conservant un pied dans l’américanité, mélangeant une panoplie de styles différents à leur musique, de l’indie-rock en passant par les incontournables cuivres inspirés des « mariachis » mexicains, Calexico est un pur joyau de la musique américaine.

En 2012, le tandem avait fait paraître Algiers; un disque caractérisé par une incursion dans la musique cubaine. Trois ans plus tard, Calexico récidivait avec Edge of the Sun; celui-là se distinguait par une accentuation vers les musiques du monde, délaissant quelque peu les influences américaines.

À la fin du mois de janvier, le duo proposait un nouvel album : The Thread That Keeps Us, un 9e album en carrière enregistré au Panoramix House situé au nord de la Californie. Ce studio maison appartient à un proche de la formation, le co-réalisateur de l’album, Craig Schumacher. Fidèles à leur habitude, Burns et Convertino ont fait appel à une pléthore de musiciens provenant des quatre coins de la planète pour enjoliver leurs chansons.

En plus des influences coutumières (indie-rock, pop, blues, country), Calexico incorpore à son offre de « nouveaux sons ». Ska, musique traditionnelle colombienne, funk, jazz, rock abrasif, psychédélisme, musique électronique et intermèdes inventifs se côtoient avec une cohérence étonnante. Et ce sont les chansons elles-mêmes et les superbes mélodies de Burns qui cimentent tous ces ascendants disparates.

Ce nouvel album est probablement le plus audacieux de la part de Calexico.  Je salue bien bas l’effort des deux meneurs afin de proposer quelque chose de nouveau… même si ça pourrait désarçonner certains habitués de la formation.

Parmi les moments forts de cette production, je vous conseille de prêter l’oreille à l’entrée en matière, étonnamment pop, titrée End of the World With You, à la valse country-rock, Unconditional Waltz, à la prenante Thrown to the Wild ainsi qu’au « rock latin » intitulé Voices in the Field; une pièce inspirée de courts poèmes portant sur des humains forcés à l’exil, déracinement attribuable aux guerres et à l’oppression. Finalement, les intermèdes psychédéliques, Spinball et Shortboard, sont réussis; d’efficaces transitions vers des chansons plus « classiques ».

Malgré les quelques longueurs repérées çà et là, Calexico s’en tire très bien et fait surtout la preuve qu’après autant d’années cumulées au compteur, il est encore possible de faire preuve de créativité tout en demeurant d’une intégrité absolue. Dans toute cette hyperactivité (ce brouhaha inutile qui caractérise notre époque) il fait bon de constater que certains artistes demeurent fidèles à leurs convictions, tout en continuant à repousser leurs propres limites.