Critiques

Built To Spill

When the Wind Forgets Your Name

  • Sub Pop Records
  • 2022
  • 45 minutes
8
Le meilleur de lca

Depuis 1982, le véhicule créatif à géométrie variable mené par Doug Martsch — seul membre permanent de la formation — nous propose ses singulières observations sur le monde qui nous entoure, et ce, dans un enrobage indie rock à l’américaine qui a fait ses preuves. Built to Spill a deux grands albums dans sa discographie: le tortueux Perfect from Now On (1997) et Keep It Like a Secret (1999).

En 2020, Doug Martsch et ses fugaces acolytes nous avaient concoctés une relecture chansonnière de l’œuvre du regretté Daniel Johnston avec Built to Spill Plays the Songs of Daniel Johnston. La dernière création en bonne et due forme du groupe est Unthethered Moon (2015) qui avait, encore une fois, obtenu plusieurs accolades de la part de la presse spécialisée, même si ça n’égalait aucunement les deux créations susmentionnées.

Âgé de 52 ans, et ayant passé la majeure partie de sa carrière chez Warner, Martsch peut aujourd’hui se targuer d’être l’un des rares artistes de sa génération à avoir signé une entente avec une maison de disques indépendante de renom : Sub Pop. C’est fort de cette récente signature avec le réputé label états-unien que Built to Spill nous propose son 9e album studio : When the Wind Forgets Your Name.

Sur ce nouvel opus, Martsch est accompagné par deux membres de la formation jazz-rock psychédélique brésilienne Ourã : Le Almeida et João Casaes. Entamé peu avant la fermeture des activités planétaires en mars 2020, When the Wind Forgets Your Name a été bien sûr finalisé à distance.

Doug Martsch est un artiste qui excelle à canaliser son pessimisme et son autodérision dans des chansons qui font sourire, mais qui sont surtout hautement empathiques. L’homme, lui, a bien compris que pour survivre dans ce monde imbu de lui-même, il fallait bien entendu garder un pied actif dans la société, par obligation, tout en cultivant sans relâche un univers bien à lui. Une recette qui lui convient magnifiquement bien, il va sans dire… et qui sied bien à l’auteur de ces lignes.

L’émouvante Fool’s Gold — remémorant les moments carillonnants des Byrds — est un exemple concret de ce qui bouillonne dans l’esprit de Martsch :

Well, now it’s been an hour since I woke up
With this song running through my head
And the feeling that it gave me has started to slip away
It was only a dream but it still felt good
To spend a little time thinking something mattered
And I want to tell you something I got nothing to say

– Fool’s Gold

En plus de l’habituel trio guitare, basse, batterie, Built to Spill ornemente ses chansons de claviers et de percussions qui leur confèrent un je-ne-sais-quoi de psychédélique et qui rehaussent grandement leur qualité. When the Wind Forgets Your Name est un disque qui aurait pu paraître au beau milieu des années 90 tant ce qui est proposé peut être qualifié d’indie rock « classique ». Or, tous ces synthés astucieusement positionnés dans le mix permettent à ce long format de demeurer solidement ancré dans la modernité.

Gonna Loose lance les hostilités avec un jeu de batterie relâchée et un riff de guitare bien juteux. On entend les influences de Dinosaur Jr. dans Never Alright. Spiderweb et Understood sont de vibrants hommages à la formation R.E.M., celle de l’époque Document (1987) et Life’s Rich Pageant (1986). Cet excellent album se conclut avec l’épique Comes a Day sur laquelle Doug Martsch « joue du studio » de manière admirable. En fait, seule Rocksteady a laissé votre humble scribe de marbre.

Ce qui émeut à l’écoute de ce nouveau Built to Spill, c’est que Doug Martsch, au début de sa cinquantaine, persiste et signe, convaincu qu’il a encore beaucoup d’idées à exploiter. De toute manière, il résume avec une humilité qui l’honore tout son parcours artistique en quelques phrases simples dans Fool’s Gold : « I’m gonna keep trying. I got a chance. I’m gonna keep trying ».

Ces lignes réduisent à néant toutes ces théories fumeuses sur la réussite. Oser et essayer inlassablement, envers et contre tous, sont les deux seules choses qui comptent. Doug Martsch l’a très bien compris.

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