Critiques

Baxter Dury

The Night Chancers

  • PIAS
  • 2020
  • 30 minutes
8
Le meilleur de lca

The Night Chancers est indéniablement un album étrange. Baxter Dury, fils du chanteur new wave britannique Ian Dury (Ian Dury and the Blockheads) — notamment reconnu pour le succès Sex and Drugs and Rock & Roll,— est un type étrange. L’ambiance globale de l’opus est franchement étrange. Mais, si The Night Chancers est étrange, c’est qu’il provoque, c’est qu’il déstabilise par son style lyrique unique.

Comment dire… Baxter Dury ne chante pas, il narre, tout simplement, complètement blasé dirait-on. On sent une nonchalance profonde, une indifférence conditionnée. On imagine Dury,  avec son typique veston, bien assis sur une chaise au milieu d’une salle sombre où autour de lui, perdue dans la fumée opaque du tabac, danse et chante une femme élégante. Sur The Night Chancers, Dury détient une prestance similaire à celle d’un autre fameux anglais, James Bond. Il semble inébranlable, où les soucis du monde ne peuvent que moindrement l’atteindre.

The Night Chancers est le dialogue entre Baxter Dury et la deuxième voix, Madelaine Hart. Sa voix douce, chantée, vient complimenter parfaitement la voix rauque narrative du natif du Buckinghamshire. On pourrait interpréter que le dialogue est entre deux ex-conjoints qui éprouvent des difficultés à communiquer. Les premiers mots de l’album sont : ‘’ I’m not your fucking friend, trying to be though ‘’ laissant l’ex- conjointe répondre en chantant sur un rythme disco, un petit peu funky, parsemé de violons symphoniques ; ‘’ Ce n’est pas mon problème, je ne suis pas ton chien ‘’. Et, à cet instant déjà, l’auditeur est gagné.

The Night Chancers est un album post-moderne. Il recycle, oui, mais, il ne tente pas d’imiter, de refaire. Baxter Dury, quoiqu’avide partisan de la musique de David Bowie, Iggy Pop et Blondie, n’est pas nostalgique de leur contribution artistique. L’opus de Dury est d’actualité, il traite de notre incapacité croissante à communiquer nos émotions, nos désirs, toutes ces choses qui nous rendent vulnérables aux yeux des autres, toutes ces choses qui font tomber la façade de notre propre idéal simulé. L’album est intime, on se sent spectateur d’une dispute qui ne mène à rien. Témoin de deux humains s’exprimant dans leur plus impulsive honnêteté. Dury ne romance pas ses émotions, il ne mâche pas ses mots, il les vomit amèrement. L’opus est d’une crudité rafraîchissante.

Musicalement, l’album n’est pas ce qu’il y a de plus complexe. Toutefois, les mélodies sont lugubres, menaçantes, très efficaces, très nécessaires. Pour l’auditeur, il est difficile d’imaginer l’album différemment produit. Dury est un compositeur accompli, en total contrôle de ses moyens. Nul doute que The Night Chancers est exactement ce que l’artiste voulait qu’il en soit. L’opus n’est pas qu’un simple divertissement, non. Il revendique, il contemple, il accuse, il est une oeuvre d’art.

Des points supplémentaires pour la couverture de l’album, une superbe photo argentique aux couleurs froides mettant, en premier plan, Baxter Dury en complet veston contrasté par le mouvement rapide d’un métro. L’image donne une référence visuelle, un décor pour l’histoire qui nous est simultanément proposée aux oreilles. Honnêtement, elle facilite l’immersion à l’univers de l’album.

‘‘Baxter loves you, Baxter loves you, Baxter loves you’’ c’est ainsi que se termine l’album, et, bien franchement Baxter, le sentiment est réciproque.

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