Critiques

Jason Lytle

Arthur King Presents Jason Lytle: NYLONANDJUNO

  • Dangerbirds Records
  • 2019
  • 38 minutes
6,5

Il arrive que des artistes s’imposent des contraintes en vue de l’élaboration de leur nouveau projet, parfois par manque de moyens, mais parfois aussi afin de repousser leurs propres limites. Avec Arthur King Presents Jason Lytle: NYLONANDJUNO, Jason Lytle (Grandaddy) propose un album enregistré avec… (vous l’aurez deviné) une guitare classique avec cordes de nylon et un synthétiseur Juno!

Il va sans dire que ce nouveau projet n’a rien à voir ou presque avec le reste de l’œuvre de Jason Lytle, que ce soit en solo (il a lancé deux albums sous son véritable nom depuis 2009) ou avec Grandaddy, un des groupes-phares de la scène indie de la fin des années 90 et du début des années 2000. En fait, NYLONANDJUNO est le fruit d’une collaboration entre le musicien originaire de Californie et le collectif artistique Arthur King, connu pour ses installations immersives combinant musique et arts visuels, en vue d’une exposition à la galerie 98 Orchard Street de New York. Le collectif originaire de Los Angeles a notamment travaillé dans le passé avec des noms tels que Beck, John Cale, Lou Reed, Elliott Smith ou encore Eels.

Au-delà de la particularité de son instrumentation, NYLONANDJUNO s’inscrit dans un registre de musique ambient, avec huit pièces entièrement instrumentales qui vont de la méditation sonore (la planante Hitch Your Wagon to a Falling Star en intro) au néo-classique rudimentaire (Don’t Wanna Be There for all that Stuff, quasi-new age). On se surprend aussi à penser aux trames sonores de plusieurs films de David Lynch, surtout en raison des sonorités particulières du Juno, un synthé analogique conçu dans les années 80 par la compagnie Roland et célèbre pour ses sonorités de basses frottées et ses notes longues jouées en fondu qui imitent le son des vagues.

Il est toujours délicat de juger de ce type d’album sans tenir compte du support visuel censé l’accompagner (j’ai déjà soulevé cette difficulté l’an dernier en critiquant le disque Tangerine Reef d’Animal Collective, conçu pour être écouté en même temps qu’un documentaire montrant des récifs coralliens). NYLONANDJUNO se distingue néanmoins par sa capacité à capter notre attention par des accroches mélodiques qui ponctuent la plupart des pièces et qui permettent à Jason Lytle de jouer sur les codes de la musique ambient, mais sans qu’on y perde sa signature sonore.

Cette médaille a deux côtés. D’une part, il est réconfortant de pouvoir s’appuyer sur quelque chose de connu en se retrouvant devant une proposition aussi différente, d’autant plus que Lytle demeure tout un mélodiste. Mais il y a aussi une « manière » Jason Lytle, quelque chose dans le ton dont il n’arrive jamais à se défaire et qui crée une forme de redondance dans son œuvre. C’est le cas sur ses propres albums, mais aussi lorsqu’il collabore à d’autres projets, comme sur l’album Volume 1 du groupe BNQT (incluant des membres de Midlake et Franz Ferdinand), pour lequel il a fourni deux titres qui sonnent exactement comme du… Grandaddy.

Sans être mémorable, NYLONANDJUNO s’avère quand même un ajout intéressant à la discographie de Jason Lytle, lui permettant de renouer avec certaines sonorités électroniques qui ont fait la marque de Grandaddy (je pense surtout aux premiers albums du groupe, et moins à Last Place, lancé en 2017). L’instrumentation minimale donne aussi une couleur particulière au projet, même si une certaine fatigue s’installe au fil des huit pièces, étant donné leur timbre similaire. Sans doute le disque prend-il tout son sens dans le contexte d’une expo, mais la musique arrive presque à se suffire à elle-même, pourvu qu’on accepte son côté uniforme et répétitif.

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