Critiques

Antoine Corriveau

Pissenlit

  • Secret City Records
  • 2020
  • 44 minutes
8,5
Le meilleur de lca

Avant la sortie de Cette chose qui cognait au creux de sa poitrine sans vouloir s’arrêter, Antoine Corriveau parlait déjà d’un virage rock qu’il voulait opérer. Si certains moments reflétaient cette envie sur cet album, on y trouvait tout de même une continuité du sublime Les Ombres longues. Puis, Corriveau nous a présenté l’EP Feu de forêt sur lequel on retrouvait la magnifique Mon cœur paré passera partout. Mais bon… on repassera pour le rock. Ça, c’est jusqu’à ce qu’Antoine Corriveau nous présente Quelqu’un en mai dernier.

Les riffs dynamiques, les rythmes entraînants, les guitares bruyantes sont présents partout sur Pissenlit. Un album qui se prend comme un roadtrip auditif qui suit les routes à bord d’une vieille Corolla. Comme tout voyage, il semble que les réflexions sur la mort finissent par s’y immiscer de manière sournoise. S’il cherchait le moyen de se décloisonner de sa façon de faire de la musique, Corriveau l’a trouvé ici. Ce qui est encore plus plaisant, c’est que virage ne se fait pas au prix de la qualité des textes ou encore de la qualité de sa voix grave caractéristique.

Les premiers simples ont donné le ton. Maladresses est une excellente pièce pop qui se termine un peu trop vite, qui nous laisse en haleine. On en redemande immédiatement. Corriveau lui, préfère nous guider sur les chemins sinueux et mystérieux de Maison après maison. Une pièce qui a été enregistrée avec 5 batteurs et pas n’importe lesquels : Stéphane Bergeron (Karkwa), son acolyte de longue date, Mat Vezio, Salomé Leclerc, Pete Petelle (Klô Pelgag) et Charles Duquette. Cette multiplication des percussions se fait entendre aussi sur la franchement rock Ils parlent et Albany.

Je ne reviens jamais
Vraiment
Où a coulé mon sang
Où j’ai perdu mon temps

Je ne reviens jamais
Vraiment
Là où tu m’attends
Là où tu m’attends

Maladresses

Antoine Corriveau nous offre des surprises à plusieurs moments pendant Pissenlit. Le récit surprenant de Cheapcheapcheap est impeccable et Corriveau nous mène à travers la narration avec une adresse impressionnante. Musicalement, c’est tellement particulier et différent de ce qu’il nous a proposé en carrière. Même son de cloche du côté de Le bruit des os avec son soft-rock au groove irrésistible. Là-dessus, Corriveau nous envoie un texte à la fois mélancolique et nostalgique, même s’il semble s’y refuser dans son interprétation. Le tout avec une trame de fond qui nous parle de tinter des os les uns contre les autres après la mort. C’est à la fois beau et romantique, mais… aussi un peu inquiétant. C’est du beau travail.

Puis, Corriveau nous en envoie une en pleine face comme un voleur que tu surprendrais en train de dévaliser ta maison en pleine nuit et qui corrigerait la situation avec un coup de batte de baseball dans les palettes.

En Amérique
On a tous du sang indien
Si c’est pas dans les veines
C’est sur les mains

Les Sangs mélangés

Antoine Corriveau récupère une citation d’Éric Plamondon dans Taqawan et nous envoie le tout par la tronche avec une douceur qui fait encore plus mal. La trame rappelle la tortueuse Un incident à Bois-des-Filion de Beau Dommage. Rajoutez à tout cela Erica Angell qui vient elle aussi se glisser dans la pièce avec sa voix angélique. C’est puissant. Si les moments costauds font la loi sur Pissenlit, l’intimité se dévoile avec vulnérabilité sur Peut-être et Disparitions.

Bref, Corriveau commence à être frustrant. Il est incapable de créer une œuvre « ordinaire ». C’est lassant à la longue.

Avez-vous dit top de fin d’année?