Critiques

Andy Shauf

Norm

  • Arts & Crafts
  • 2023
  • 36 minutes
7

Andy Shauf est passionné à parts égales par le fait de raconter des histoires et de les mettre en musique. L’auteur-compositeur pourrait être qualifié de musicien-romancier. En 2016, c’est la sortie de l’album The Party qui a révélé l’artiste. Ce long format fut même sélectionné sur la courte liste du prix Polaris remis cette année-là au 99,9% du Montréalais Kaytranada.

En 2020, Shauf modifiait sensiblement son approche littéraire avec la sortie de The Neon Skyline. Sur cette création, l’auteur nous relatait la triste histoire d’une romance perdue. Chaque chanson était un chapitre en développement issu du précédent, créant ainsi une trame narrative d’une clarté absolue. L’année suivante, il nous proposait Wilds, la suite logique du long format mentionné précédemment.

Évidemment, l’artiste devait partir en tournée afin de promouvoir les deux albums susmentionnés, mais pour les raisons que l’on connaît, il a dû mettre fin abruptement à son projet. Shauf s’est donc retrouvé seul dans son studio maison et s’est mis à élaborer lentement, mais sûrement, des nouvelles chansons.

Et c’est après avoir visionné le sublime Mullholland Drive de David Lynch que le Saskatchewanais d’origine a eu l’idée de créer un nouveau personnage nommé simplement Norm. De prime abord de commerce agréable, ce Norm dissimule un côté de lui-même assez sinistre… Grâce à l’influence de Lynch, Shauf s’éloigne de ses habituelles historiettes pour nous escorter vers quelque chose de plus glauque.

C’est avec l’aide de 12 vignettes de folk-pop orchestrales qu’il tisse habilement sa courtepointe narrative. Dans Telephone, l’auteur met en lumière le versant obscur de Norm, lui qui tente de joindre sans cesse par téléphone une possible conquête. Or, le texte, comme les œuvres de Lynch, est délicatement indéchiffrable. Shauf ne dévoile jamais les réelles intentions de Norm, laissant ainsi l’auditeur dans un intéressant questionnement :

I used to call you on the telephone

I couldn’t catch my breath

To expel a single word

You would hang up your telephone

You always looked confused

Then you’d turn and close the blind

– Telephone

Musicalement, le Canadien demeure dans des sentiers qu’il a lui-même balisés. Bien campé dans son goût pour les orchestrations luxuriantes et la chanson intimiste, il a quand même eu l’idée de remettre le mixage de son album à un spécialiste des synthétiseurs, Neal Pogue (Tyler, the Creator, Janelle Monae) afin que ceux-ci prennent plus d’ampleur. Et c’est parfaitement réussi !

En fait, Norm est un amalgame des influences de Beck, celui de l’album Sea Change (2011), de feu Elliott Smith et du vétéran James Taylor. Quelques moments valent la peine d’être soulignés. Les éclats légèrement abrasifs entendus dans Daylight Dreaming et la tourbillonnante Halloween Store captent l’attention, entre autres.

Or, la recherche de la perfection sonore et littéraire d’Andy Shauf empêche parfois ses chansons d’atteindre tout leur potentiel. Bref, il est peut-être temps pour lui de remettre les rênes de la réalisation à quelqu’un qui pourrait le contraindre à pousser ses chansons orchestrales dans des directions plus « spontanées ».

Cela dit, Norm est quand même l’œuvre d’un songwriter de grand talent.

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