Concerts

William Basinski, France Jobin et Jessica Moss aux Foufounes Électriques, le 30 août 2023

L’artiste multidisciplinaire William Basinski, connu plus précisément pour son oeuvre ambiant, s’arrêtait aux Foufs ce mercredi soir. Jessica Moss ainsi que France Jobin s’assurèrent d’ouvrir la soirée en guise de premières parties.

Photos par Charles-Antoine Marcotte

Au premier abord, les Foufs semblent être un drôle de choix, esthétiquement, pour accueillir les prestations dites « ambiantes ». On voit les grillages au balcon et on se dit « Nirvana, 1991 ». Et pourtant, il n’a pas fallu beaucoup de temps pour accepter la proposition grâce au premier set présenté par France Jobin.

France Jobin

France Jobin et Jessica Moss

Artiste du son, France Jobin traîne 25 ans de carrière. Elle a donc pu puiser pour construire la bulle auditive à laquelle nous avons assisté. En mélangeant les dispositifs analogiques et numériques, son approche réside dans une forme de subtilité maîtrisée et presque imperceptible. Les textures sont chargées d’une sorte de bruit statique qui nous rappellent celui des fréquences radio. Approche qui, d’ailleurs, fut principalement alimentée par le concept d’intrication quantique et qui démontre cette légère filiation scientifique entre elle et Basinski – on pense entre autres à On Time Out of Time (2019), un album qui utilise les fréquences d’une collision de deux trous noirs datant d’il y a 1.3 billion d’années. Ainsi, on se dit que le minimalisme de France Jodoin s’insère avec justesse comme première partie.

Jessica Moss

Puis, heureusement, on se dit la même chose de la prestation de la violoniste Jessica Moss. On sait que la présence de Moss au cœur du paysage musical montréalais est presque constante depuis plusieurs années. Elle sut faire sa marque au sein de Thee Silver Mt. Zion, mais c’est seule – accompagné de son violon et ses pédales – que l’on a pu observer tout son talent. En effet, après nous avoir proposé d’écouter sa performance assise au sol (efficace pour créer une ambiance intime), Moss nous plonge dans plusieurs trajectoires – toutes disparates l’une de l’autre – sans jamais de temps mort. On commence par des lignes de violons épurées, qui évoquent ses influences balkanisées, mais petit à petit, les mélodies traversent les pédales de « loop » et de délai. Les cordes sont utilisées pour créer des lignes de basses effleurant le drone, toutefois les textures restent planantes et éthérées. Elle clôt finalement avec sa voix, le violon de côté. Quelques unissons amplifiés et traités par les échos du délai. Bref, une magnifique performance.

William Basinski

William Basinski

L’arrivée de William Basinski sur scène est étonnante : lunettes fumées d’aviateur et longs cheveux châtain, bref, le cousin éloigné de Steven Tyler. Je blague et en même temps non : Basinski a tout à fait l’allure d’une rock star rivé derrière sa console munie de maints objets hétéroclites. On y aperçoit deux diapasons, des bouteilles d’eau en plastique, une boîte gardant des bobines de « reel-to-reel » et finalement un ordinateur avec lequel il complètera son set.

En toute sincérité, je ne savais pas du tout à quoi m’attendre. Basinski fut extrêmement productif au fil des années : son vaste catalogue regorge d’archives qu’il sortit au compte-gouttes vers la fin des années 90, donc j’étais curieuse de voir dans quel registre il allait piger. La question fut vite démystifiée lorsque les premières touches du clavier ont été frôlées pour nous présenter les fragiles collages sonores qui se transformèrent au fil de la performance. Et j’appuie sur le mot performance – puisqu’outre le fait d’être en présence d’une musique plutôt contemplative – William Basinski n’incarne pas la figure statique du musicien de musique ambiante. Chaque variation mélodique, chaque « loop » transparaissent dans son corps ; de grand mouvement de bras, de petits mouvements d’épaules et des regards francs vers la foule. Parfois même, des rubans de « reel-to-reel » se font virevolter autour de ses doigts. On assiste d’une façon au film de sa vie. Quelque chose de cinématographique et de dramatique s’en déploie, consciemment j’ose croire.

Car oui, on ne peut pas séparer la touche dramatique de l’œuvre de Basinski. Les textures sont chargées, remplies d’abstraction. O, My Daughter, O, My Sorrow, issu de son album Lamentations (2020), est justement choisis dans son set. Le morceau réunit un échantillon d’opéra et son classique système de « tape-delay ». La musique donne des frissons, mais l’aspect très performatif chez Basinski rend la chose presque comique, à mon humble avis. Steven Tyler en mode opéra.

Quoi qu’il en soit, la plus grande satisfaction de la soirée fut probablement d’entendre un extrait de The Disintegration Loops I-IV, son album le plus populaire, en présence de l’artiste. Ça et la confusion dans la salle lorsque William Basinski sortit de scène pendant presque 10 minutes. On ne lui en veut pas.

Crédit photo: Charles-Antoine Marcotte

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