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POP Montréal 2019 : Moor Mother + Jerusalem in my Heart

Ce jeudi, l’artiste, poète et activiste Moor Mother déferlait sa rage salvatrice sur le public de l’original Cinéma l’Amour dans le cadre du festival Pop Montréal. La soirée marqua aussi le retour sur la scène montréalaise de la figure locale Jerusalem in my Heart, de son vrai nom, Radwan Ghazi Mounmeh.

Le nom de Moor Mother aka Camae Ayewa résonne depuis maintenant quelques années dans la communauté artistique et activiste de Philadelphie où elle a posé ses valises. Depuis ses débuts de bassiste dans des formations punk, Ayewa a bien évolué et s’affaire dorénavant à produire un rap industriel puisant ses inspirations dans la noise, l’afrofuturisme ou encore la techno. Sa musique dénote une portée politique totalement assumée, critiquant de manière virulente, brutale, mais juste, le contexte actuel aux États-Unis. Auteure d’un premier album acclamé par la critique, Fetish Bones, l’artiste reviendra cet automne avec un nouveau LP, Analog Fluids of Sonic Black Holes, dont un extrait, After Images, a déjà été publié.

C’est donc dans ce théâtre pour adultes, devant un public branché assez parsemé installé dans des fauteuils rouges que débarquera à 23 heures 40 sur scène Camae Ayewa accompagnée d’une violoniste présente pour une partie de son set. Sans plus attendre, les deux entameront un premier morceau d’une bonne dizaine de minutes sur lequel une mélodie nostalgique de violon portera un monologue cru et sans concessions. L’ambiance est au recueillement et à la communion entre les hautes parois du théâtre ! Se retrouvant ensuite seule sur scène, la poète assènera une série de beats profonds suivis par de lourdes basses faisant vibrer la salle entière. Elle haussera rapidement le ton pour partager sa rage contagieuse, une chose qui n’est pas évidente lorsqu’on se retrouve face à un public confortablement installé mangeant du maïs soufflé. Affirmant elle-même pouvoir faire de la poésie en hurlant, elle scandera ses inquiétudes sur des sujets aussi sensibles que la promotion du racisme au sein du gouvernement, la situation carcérale ou encore les questions liées à l’identité sexuelle. La voix d’Ayewa est triturée et saturée par les pédales d’effets, mais est tant marquante que l’on croirait presque à des incantations chamanistes. On sent que quelque chose se passe, alors que la rappeuse s’agite de plus en plus. La rappeuse finit par cracher sa haine, dos au public. Une configuration différente aurait sans aucun doute créé une atmosphère plus propice à ce type de performance. On traverse de longues périodes expérimentales peuplées de harsh noise nous rappelant que Moor Mother ne fait pas dans le conventionnel, mais cherche au contraire à s’exprimer avec virulence et agressivité.

Après seulement quarante minutes, Ayewa entame le seul titre que je reconnaitrais du set : After Images. Là les échantillons s’entremêleront à une instrumentation industrielle hardcore dominée par une voix aussi malsaine que trippante. Ce serait le dernier morceau d’un set sûrement un peu trop court, mais tout bonnement abrasif.

Le mélange de styles hallucinant de Jerusalem in my Heart

L’ouverture de la soirée brillamment assurée par le Libanais résident à Montréal, Jerusalem in my Heart, restera également dans les esprits. Actif depuis de nombreuses années, le musicien associe la musique contemporaine arabe à l’électronique et donne une dimension visuelle à son projet à l’aide du réalisateur expérimental Charles-André Coderre. Ses concerts se font particulièrement rares et la performance de ce soir impressionnera étant donné la richesse des textures sonores et les expérimentions multiples, tant sur le plan audio que visuel. Lunettes aux verres teintés et veste de costard, Moumneh s’installe discrètement au milieu de ses machines parmi lesquelles on peut apercevoir un synthé modulaire probablement responsable de la folie sonore de sa prestation. Il utilisera également un oud, joignant ainsi d’hypnotisant riffs de musique arabe à des nappes sonores électroniques complètement hallucinées. L’ensemble sera martelé à coups de beats déstructurés sur fond de photos du Moyen-Orient et de visuels intriguant, comme ce montage avec la main de Fatma. L’artiste semble absorbé par le moment présent et cela faisait longtemps que je n’avais pas assisté à une performance aussi transcendante.

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