Concerts

Innu Nikamu 2023 : Uasheshkun, Regis Niquay, Florent Vollant, Richard Séguin et quelques autres péripéties

Ça faisait 4 ans que je me disais qu’il était temps que je vienne faire un tour sur la Côte-Nord à Mani-Utenam pour voir ce qu’avait l’air la grande célébration Innu Nikamu. Une pandémie a mis un frein au projet, mais cet été, je m’étais promis que ça arriverait et ce même si le festival a lieu en même temps qu’Osheaga.

J’ai soigneusement planifié ma tournée pour commencer au Festif! de Baie-Saint-Paul, me rendre par la suite le plus loin de la maison que j’ai jamais été sur la Côte-Nord, et au Québec de ce fait, pour terminer mon périple à Sept-Îles, ville voisine de Mani-Utenam ou Maliotenam en français, mais c’est simplement une déformation du nom d’origine qui veut dire : Marie-Ville. Mon choix me permettrait de voir le retour au bercail de Florent Vollant qui donnerait un deuxième concert en quelques soirs après avoir suivi une réhabilitation à la suite d’un ACV en 2021.

L’accueil chaleureux

Avant les concerts et les festivals, il y a aussi les gens. Et à Mani-Utenam, il y a un couple avec le feu sacré qui brûle fort pour promouvoir la culture autochtone et surtout pour qu’elle occupe sa juste place dans l’échiquier de la culture canadienne et québécoise. C’est avec plaisir que mon premier arrêt s’est fait en toute simplicité autour d’un café chez Mathieu McKenzie et Nelly Jourdain qui ont eu le coeur de me recevoir même s’ils revenaient à la hâte de Petite-Vallée où Florent Vollant était passeur (c’est son fils-musicien-accompagnateur et sa brue-gérante).

C’était la meilleure façon de commencer mon aventure dans Mani-Utenam qui m’a laissé entrevoir sa beauté pendant mon court passage, mais qui recèle encore des bijoux à déterrer. Il me fera plaisir d’y revenir pour continuer de creuser et d’apprendre à mieux connaître ce peuple innu fier, passionné et animé par le désir d’une culture vibrante.

Rencontre inter-nation

Il y a à Innu Nikamu une volonté d’affirmation et de célébration de la culture innu, mais il y a aussi un lieu de rencontre privilégié où Atikamekws, Innus, Oji-Cris, Inuk et Québécois se côtoient, collaborent et créer ensemble. Il y a eu des exemples à la pelletée pendant mes 36 heures au festival, mais le plus probant est certainement les 4 chansons jouées à l’unisson par Florent Vollant, Richard Séguin et ses musiciens, les membres de Maten, Ivan Boivin-Flamand et Scott-Pien Picard. Mathieu McKenzie était assis à la gauche de son père à travers ces minutes émotionnelles en hommage à Réjean Bouchard qui a joué avec Vollant et Séguin et qui est décédé au cours des derniers jours. Le tout s’est terminé sur la chanson Tout est lié de Vollant.

Florent Vollant n’avait rien perdu de son côté espiègle alors qu’il s’est amusé aux dépens de Séguin, de ses musiciens et d’un peu tout le monde présent. C’était franchement réconfortant de le voir de si bonne humeur. Il a offert un excellent concert accompagné de musiciens de talents de Mani-Utenam et Ivan Boivin-Flamand, « le Carlos Santana autochtone » qui a fait aller sa guitare avec de nombreux groupes au cours des deux jours. Richard Séguin a d’ailleurs appris à ses dépends qu’il pouvait être dangereux de lancer deux guitaristes sur le chemin de l’improvisation alors que Simon Godin et Ivan Boivin-Flamand se sont échangés les solos de guitares pendant un bon dix minutes pendant l’Ange vagabond. Au point où Séguin regardait son autre guitariste en se demandant : « Mais qu’est-ce que j’ai fait… »

Les deux auteurs-compositeurs-interprètes d’expérience ont misé sur de nombreux succès de leur discographie respective au cours de la soirée. Florent Vollant a joué des pièces des ses albums solo tout en glissant un petit bout de Tipatshimun et en jouant en intégrale Tshinanu de Kashtin. D’ailleurs, où est l’oeuvre de Kasthin sur Spotify? Il serait temps qu’elle s’y trouve. Difficile de passer sous silence le grand sourire qui a occupé le visage de Scott-Pien Picard pendant qu’il jouait des pièces avec Florent Vollant. C’était touchant de voir la jeune génération être aussi enthousiaste d’être à ses côtés. Richard Séguin a aussi enchaîné les succès des années 90 comme Sous les cheminées, Aux portes du matin, Ici comme ailleurs, Double Vie et Journée d’Amérique.

Parlant de rencontres, j’ai même croisé Dan-Georges McKenzie qui était sur place pour promouvoir l’institut Tshakapesh qui a pour mission de valoriser la place de l’innu-aimun et d’aider les gens qui le souhaitent à la réapprendre.

Quelques groupes intéressants

Outre les deux chanteurs mythiques, il y a plusieurs groupes qui ont offerts de bonnes prestations. C’est le cas d’un vétéran que je ne connaissais pas : Régis Niquay. Celui-ci a notamment livré sa chanson Mon étoile qui a été reprise dans à peu près toutes les langues autochtones au Québec. Il a aussi présenté d’autres grands succès de son répertoire comme Ota et E Witaman. Le chanteur atikamekw originaire de Wemotaci, mais maintenant établi à Manawan était particulièrement touchant dans sa manière de s’adresser au public. Généreux est un mot qui colle bien à cet homme qui a prêché pour qu’on se dise plus : « je t’aime » dans les communautés.

L’autre groupe qui a attiré mon attention est Uasheshkun qui proposait un rock contemporain qui donnait une bonne place au saxophone. En plus de leurs chansons convaincantes, la formation a fait beaucoup de place à Gilbert Piétacho qui est venu livrer quelques chansons.

C’est une première excursion vraiment intéressante à Innu Nikamu pour moi. J’espère y revenir plus tôt que tard. Il se passe quelque chose entre le monde la musique allochtone et autochtone en ce moment et espérons que les ponts qui sont en train d’être construits seront renforcés au cours des prochaines années. En attendant, il n’est pas jamais trop tard pour être curieux et découvrir de nouveaux artistes qui habitent le territoire.

Inscription à l’infolettre

Ne manquez pas les dernières nouvelles!

Abonnez-vous à l’infolettre du Canal Auditif pour tout savoir de l’actualité musicale, découvrir vos nouveaux albums préférés et revivre les concerts de la veille.