Concerts

FIJM 2023 : Colin Stetson au Gesù

Dans le cadre de la série Jazz dans la nuit du Festival International de Jazz de Montréal (FIJM), l’un des saxophonistes parmi les plus respectés qui soient offrait hier soir un concert au Gésù.

En mai dernier, Colin Stetson nous proposait l’excellent When we were that wept for the sea que le collègue Bruno Coulombe présentait comme « une ode à la vie et à la nature dans ce qu’elles ont de plus beau, mais aussi de plus terrible ». Les thèmes du deuil et de la contemplation sont savamment évoqués tout au long de ce magnifique opus.

Le talent de l’instrumentiste s’appuie en partie sur cette technique particulière qu’il emploie : la « respiration circulaire ». Cette approche met à l’avant-plan les possibilités harmoniques et percussives du saxophone. Fait à noter, Stetson joue également de la clarinette, du cor, de la flûte et du cornet à pistons.

Deux saxophones, contrebasse et alto, étaient donc seuls en scène attendant patiemment l’arrivée de celui qui allait leur donner vie. Le baraqué Colin Stetson s’est alors présenté vêtu entièrement en noir, et fraîchement rasé, pour entamer au saxophone alto Sundrift, pièce parue sur l’album All This I Do For Glory (2017). Cette version plus aérienne remplissait tout l’espace du Gésù. Le son était d’une clarté et d’une puissance exceptionnelle. Derrière l’artiste, des éléments visuels abstraits oscillaient au rythme du souffle de Stetson dans son instrument.

Lors de ce magnifique concert, l’instrumentiste nous a proposé un programme ponctué de deux pièces méconnues de l’auteur de ces lignes, dont la deuxième qui, en milieu de parcours, résonnait comme un véritable coup de fouet. Stetson nous a alors guidé vers un univers postapocalyptique, extirpant de son saxophone contrebasse des sons absolument uniques. Encore une fois, ça explosait littéralement dans la sono du Gésù et certains doyens ont dû même quitter la salle tant ce qu’ils entendaient était d’une beauté assourdissante…

Stetson a aussi présenté trois pièces de son plus récent opus : Long Before the Sky Would Open, la pièce-titre ainsi que la magnifique Safe With Me. La mélodie de cette dernière, soufflée littéralement dans le saxophone contrebasse, a été livrée à la perfection. À la sortie du concert, un admirateur a même déclaré qu’il avait été « transporté à la porte du paradis » par cette interprétation. Puisque je n’ai pas encore fréquenté l’au-delà — et je ne suis pas du tout pressé de m’y rendre, croyez-moi —, j’éviterai ici l’analogie céleste. Or, il n’y avait aucun doute dans mon esprit, cette relecture de Safe With Me était bouleversante. Les images saccadées en noir et blanc projetées à l’arrière du musicien évoquaient un acte de violence conjugale. Beau et troublant.

Enfin, l’Américain d’origine et Montréalais d’adoption a conclu sa performance avec une longue pièce évoquant par moments les mantras sacrés des moines tibétains. Vers la fin de ce morceau, les sons distordus proférés par Stetson nous plongeaient à nouveau dans une sorte d’apocalypse sonore.

À mon arrivée à la maison, une bien mauvaise nouvelle m’attendait. Un ami et membre de la famille de ma conjointe avait rendu l’âme plus tôt dans la journée à un âge trop jeune… Or, en relisant mes notes de ce concert et en repassant en boucle dans ma tête cette splendide performance, je ne peux qu’être reconnaissant d’avoir eu la chance d’assister à une prestation aussi belle, anxiogène, divine et apocalyptique.

Comme la vraie vie.

Crédit photo: Festival International de Jazz de Montréal

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