Le festival Colline de Lac-Mégantic célébrait sa 4e édition le week-end dernier. Il a grandit admirablement bien, gagnant en importance, attirant de grands noms de la musique québécoise tout en gardant ce charmant esprit de communauté et de convivialité qui fait d’un passage dans cette ville une expérience si agréable.

La famille Lavallée, derrière le projet du festival et de la Chapelle du rang 1, deux initiatives culturelles phares à Lac-Mégantic, sait bien recevoir. Hubert, le directeur artistique et général, prend d’ailleurs la peine de monter sur scène avant chaque spectacle pour en faire la présentation, un détail qui témoigne d’un souci de proximité accueillante. On sent que les artistes les apprécient réellement, humainement, les remerciant toujours personnellement au micro, ce qui les motive à offrir de magnifiques spectacles en leur lieu, au plus grand plaisir du public, lui aussi visiblement reconnaissant.

Jour 1

Émile Bilodeau, Patrick Watson et Milk & Bone

Notre expérience au festival a débuté jeudi après-midi au Village Colline, le site secondaire et gratuit de l’événement, avec un spectacle du fort sympathique Émile Bilodeau sur le toit du Mixbus, un autobus scolaire transformé en scène nomade qui parcourt le Québec.

L’ambiance est familiale. Des enfants courent partout, des festivaliers dansent, chantent ou sont confortablement installés dans leurs chaises de camping. Émile Bilodeau divertit tout ce beau monde avec sa prestance et son charisme. Visiblement confortable sur scène, il sait créer une ambiance agréable en chantant ses morceaux de manière incarnée, avec beaucoup de personnalité, offrant un généreux spectacle d’une heure et demie. Voilà qui lance bien les festivités.

Plus tard en soirée, nous nous dirigeons vers le site principal du festival Colline, un endroit bucolique dans un champ magnifiquement aménagé de manière aérée, profitant de jolis éclairages, à mille lieues des stationnements de béton sans âme sur lesquelles se tiennent certains autres festivals.

C’est dans ce décor enchanteur que l’on assiste au somptueux spectacle du talentueux Patrick Watson. Accompagnés de ses sept comparses de scène, le musicien offre une musique riche et enveloppante. Combinée avec l’éclairage et la fumée de la mise en scène, l’ensemble crée un climat absolument magique duquel émane une grande puissance.

Patrick Watson se révèle un performeur expressif et excentrique. Ses anecdotes entre les chansons, et surtout son rire qui les accompagne, sont tordantes. Sa complicité avec sa choriste, avec qui sa voix s’harmonise merveilleusement bien, est belle à voir. Les moments de douceur sont balancés avec d’autres d’une plus grande intensité. Le spectacle se termine de manière mémorable alors qu’il offre une chanson dans le noir total avant d’en proposer une dernière en circulant à pied au sein de l’assistance.

C’est le groupe électro pop Milk & Bone qui clôture ensuite cette première soirée du festival sur la scène située à l’autre extrémité du site. Tantôt chacune à leur station, devant leur clavier et leur drumpad, tantôt se succédant au-devant de la scène tout en étant parfois ensemble pour proposer de charmantes chorégraphies, les deux musiciennes de Milk & Bone partagent une complicité évidente. Celle-ci ne fait qu’enrichir leur prestation, portée à la base par leur très singulière musique. Le duo a survolé sa discographie, proposant autant des pièces de son premier album Little Mourning datant de 2015 que de leur plus récent Chrysalism, paru en 2022.

Jour 2

Thaïs, Ariane Moffatt et Naomi

Vécue dans notre tente, campée sur le terrain du père Lavallée (quand on vous disait que les Méganticois étaient accueillants), la nuit de jeudi à vendredi n’a pas été de tout repos alors que la pluie torrentielle, reste de l’ouragan Debby qui a survolé une partie du Québec, s’abattait sur nous.

Le début de la journée de vendredi a été marqué par un climat d’incertitude. Qu’allait-il advenir de tous les spectacles prévus de la journée qui devaient tous se tenir à l’extérieur? Allaient-ils tous être annulés?

Réunie le vendredi matin à une table du café Ditchfield, superbe petit café de la ville, l’équipe du festival paraissait en gestion de crise. Les spectacles ne pouvaient se tenir dehors, il fallait trouver des alternatives. C’est plus tard en après-midi que les détails du déroulement de la programmation ont enfin été transmis aux festivaliers. Tous les spectacles ont pu être relocalisés au sec à l’exception malheureusement de celui de Geoffroy, dont on avait bien hâte d’entendre les versions live des morceaux de son excellent dernier album Good Boy. Ce sera pour une prochaine fois.

Bref, à la suite d’un remaniement de programmation, notre premier spectacle de la journée fut donc celui de Thaïs, en formule Tiny Desk, à 19h au café Ditchfield, où nous avions passé la matinée.

Le contexte, intime, rapproché, est idéal pour découvrir la musique de cette charmante musicienne, drôle et candide dans ses interventions, entraînante dans sa musique.

En introduction du spectacle, Hubert Lavallée raconte que, dans le passé, avec son équipe, ils avaient songé à organiser des shows pop-up comme celui-ci dans des lieux dispersés de la ville, mais avaient finalement conclu que ce serait trop compliqué et avaient laissé tomber. C’est finalement la météo qui les aura forcés à mener ce projet à terme à la dernière minute et vu le succès du spectacle, on se dit que la formule sera assurément à refaire.

Pour une grande partie des festivaliers, le spectacle le plus attendu du vendredi était clairement celui d’Ariane Moffatt. Avec la bénédiction du curé, celui-ci a pu être déplacé à l’intérieur de l’église Sainte-Agnès de Lac-Mégantic, lieu emblématique de la ville. Disons que l’endroit aurait difficilement pu être plus approprié pour le genre de spectacle que l’artiste avait envie d’offrir à son public. Assise devant son piano à queue, accompagnée d’un quatuor à cordes, Ariane Moffatt a livré un concert tout en douceur et délicatesse dans lequel elle présentait de manière épurée plusieurs de ses grands succès. Ses chansons les plus connues comme Debout ou Point de mire ont créé de magnifiques moments de communion alors que toute l’église chantait en cœur avec elle.

Après un concert dans le calme et la plénitude, place à la fête! À 23h30, le resto-bar Musi-Café était plein de festivaliers couche-tard prêts à accueillir la chanteuse pop Naomi pour un spectacle en formule after-party.

La chanteuse Naomi, qui devait initialement jouer sur le site principal à 18h, a grandement bénéficié de ce remaniement d’horaire et de lieu. Elle l’a dit elle-même, c’est définitivement dans un after-party qu’elle a le plus sa place. À voir son spectacle super dynamique dans lequel elle chantait et dansait en étant accompagnée de deux autres danseuses, en plus de l’accueil réceptif que lui a réservé le public festif, on ne peut dire le contraire. L’énergie a été à son comble toute la soirée où visiblement tout le monde, sur scène et sur le parterre, s’est amusé.

Jour 3

Après la pluie vient le beau temps. Cette formule ne pourrait mieux s’appliquer qu’à la troisième et dernière journée du festival qui s’est déroulée sans anicroche sous une météo clémente.

Notre premier spectacle de la journée fut celui de Valence sur le Mixbus à 16h30. Les rayons du soleil émanant d’un ciel éclatant nous caressait la peau. Dans toute l’élégance qui caractérise son personnage de scène, le chanteur a livré plusieurs morceaux de son excellent dernier album, La nuit s’achève, en plus de quelques succès de son précédent, Pêle-mêle. Drôle du type pince-sans-rire, le musicien partage une belle chimie avec ses collègues de scène, tous très talentueux et surtout polyvalents, maîtrisant chacun plus d’un instrument.

Plus tard, à 20h, s’est tenu ce qui devait probablement être LE show le plus attendu du festival, celui du légendaire Robert Charlebois, et quel show il a donné! Du haut de ses 80 ans, le musicien a livré un spectacle extrêmement énergique. Sa réputation d’artiste drôle, expressif et charismatique se confirme. Pendant une heure trente, on a dansé, chanté, sauté. On a aussi réalisé à quel point son apport à la culture québécoise a été marquant alors que s’enchaînaient les classiques, de Tout écartillé à J’t’aime comme un fou en passant par Lindberg et Ordinaire, toutes interprétées des décennies après leur création et ce, avec un dynamisme toujours aussi extraordinaire. C’était à la fois extatique et émouvant de le voir aller.

Enfin, pour clore le festival, quel choix judicieux que de programmer l’acclamé spectacle Le Roy, la Rose et le Lou(p) des héritiers spirituels de Charlebois Ariane Roy, Lou-Adriane Cassidy et Thierry Larose. Le tout est inspiré du mythique spectacle J’ai vu le loup, le renard, le lion, lequel fête cette année son 50e anniversaire. Un jeune Robert Charlebois en faisait autrefois partie.

De ce spectacle, qui se révèle être un merveilleux trip de gang constitué de 10 musiciens complices, émane un véritable et contagieux amour de la musique, québécoise de surcroît. Cette musique, les trois têtes d’affiche en sont des passionnés et passionnants ambassadeurs. Comme Charlebois plus tôt, sur scène ils sont déchaînés et captivants. Leur rock festif côtoie des moments plus doux, comme cette déchirante interprétation du morceau Ça va ça va, et des prouesses musicales impressionnantes comme cet échange de solos de guitare à deux sur L’île à vingt-cinq sous. Le même sentiment d’extase vécu durant le spectacle de Charlebois se ressent devant celui de ces artistes de la nouvelle génération. Définitivement, comme le lance Thierry Larose en fin de concert, « Vive la musique québécoise !!! ».

Le festival Colline sera de retour pour une cinquième édition l’été prochain et il continuera probablement de grandir. Comme les étoiles dans le ciel samedi soir, en cette période de Perséides, la vie culturelle a été étincelante ce week-end à Lac-Mégantic et grâce au festival elle pourra continuer de briller.