Chroniques

Les grandes artères: une entrevue avec Louis-Jean Cormier

Louis-Jean Cormier s’apprête à lancer son deuxième album solo la semaine prochaine. Il nous a rencontré au restaurant La Salle à Manger pour discuter des Grandes Artères.

LP: Salut Louis-Jean.

LJC: Salut.

LP: Pis Marc Dupré? (Gros rire parce que c’est une blague).

LJC: Tsé, on a le droit d’aimer ou ne pas aimer ce qu’il fait, mais le gars, je l’aime. Il serait ici avec nous, on prendrait un verre pis on se claquerait les cuisses du début à la fin. Pis c’est un gars humble, des fois trop, mais il est convaincu qu’il fait ce qu’il doit faire. C’est vraiment un bon gars.

LP: Revenons aux choses sérieuses. J’écoutais le nouvel album pis j’ai trouvé ça plus mélancolique que Le treizième étage. Est-ce que tu savais que c’était le résultat que ça allait donner avant de rentrer en studio?

LJC: Non. Je n’avais pas d’idée préconçue quant au résultat, mais je savais qu’avec les mots ça s’en allait vers ça. Ça s’est imposé assez tôt que ce serait un disque de mots, un disque de coeur, d’amour déchiré, de retour, de départ, de querelle. J’ai vécu un drôle d’automne. Beaucoup de couples dans mon entourage se sont laissés. C’est pas tellement un disque autobiographique plutôt qu’un album teinté de ce qui s’est passé autour de moi. Tu pourrais en parler à Marie-Pierre Arthur ou à Ariane Moffatt, on a tous été inspirés par cet automne de tribulations. De là, Les Grandes Artères. Mais pour la mélancolie, ou le drame, parce que je trouve que c’est un album qui contient sa dose de drames, je le voyais venir par les mots, mais je me disais que la musique dissiperait tout ça. C’est sûr qu’avec des titres comme Le jour où elle m’a dit je pars, tu ne peux pas te tromper.

LP: C’est assez clair…

LJC: Mais j’ai pas poussé, les chansons m’ont naturellement amenée vers ça. Je n’ai pas vu venir le côté pop orchestral du tout. Avec les cuivres et la chorale des jeunes, c’est spécial. On avait 80 jeunes dans le studio Piccolo, pis en le faisant, j’étais très reconnaissant de pouvoir me taper ce trip-là. Prendre le temps de juste faire mes tounes à moi. D’habitude, j’ai toujours trois, quatre projets en même temps, mais là j’ai pu prendre le temps de faire que ce disque-là. Des fois, on a pu tester quatre ou cinq arrangements différents pour chaque pièce.

LP: Normalement, t’as toujours cinq ou six projets que tu mènes de front. Est-ce que c’était volontaire de simplement te concentrer sur Les Grandes Artères?

LJC: C’est volontaire oui et non. Je me suis forcé à arrêter, mais surtout mon entourage m’a conseillé de me calmer. À la fin de l’été, j’étais complètement crevé après la tournée des festivals, étourdis, un peu à côté de mes souliers. Physiquement, j’étais épuisé. J’ai remis en question l’échéancier qu’on avait pour l’album. Mais finalement, c’est faire le disque qui a été ma thérapie, mon repos. Ça et pas prendre d’autres projets. Quand t’écris une toune comme Faire semblant, ça te permet aussi de sortir le méchant.

LP: Et puis c’est pas juste le travail… ta célébrité a aussi augmenté depuis ta participation à La Voix.

LJC: Ça a été un apprentissage.

LP: Surtout avec les enfants, j’imagine…

LJC: Oui, les répercussions sur les gens autour, c’est tout le temps un peu bizarre. Mais en même temps, y a vraiment plus de positif que de négatif. C’est juste que j’ai fait un apprentissage accéléré. Mais j’en retire beaucoup de réflexions, sur le monde de la musique au Québec. Avec Karkwa, on se disait souvent qu’en tournant en Europe ou aux États-Unis, ça nous permettait de faire un zoom out et de voir le milieu de la musique sous un autre angle. Mais avec La Voix, j’ai pu voir le monde de la musique au Québec, mais par le restant des Québécois. Je me suis rendu compte que des fois, on fait des choix qu’on pense être les bons, mais qui finalement ont très peu d’impact. De boycotter Star Académie ou La Voix, y’a peut-être un noyau de monde qui va s’en rendre compte, mais au bout du compte le message ne passe pas. C’est cliché, mais j’ai préféré changer par en dedans. Puisque je suis un peu souvent inconscient, ce qui fait que j’ai été surpris de l’immensité de la chose.

LP: C’est peut-être une bonne chose, sinon t’aurais peut-être été sur le frein dès le début.

LJC: Oui. En même temps, j’ai toujours eu la philosophie que si tu trouves tes tounes bonnes, pourquoi tu te priverais d’une tribune? Si elle est bonne, joue là, à n’importe qui. Quand je regarde La Voix, je le sais que j’ai pris la bonne décision de ne pas revenir, sinon ça aurait été le burn-out, mais j’ai quand même des petites pointes de nostalgie.

LP: T’as eu du fun?

LJC: Je ne sais pas pour les candidats, et c’est sûr que non, mais pour les coachs, c’est un jeu. C’est comme Fais-moi un dessin, mais avec des chansons.

LP: Pis contrairement à Star Académie, La Voix a au moins le mérite de mettre de l’avant des chansons qu’on n’entend plus. J’ai lu sur Pierre Lapointe qui fait chanter aux participants de la chanson française… quand au Québec tu vas entendre Brel à la radio?

LJC: Exactement. Ça permet de les remettre au goût du jour.

LP: Et puis, ta gang de musiciens qui t’a accompagné est la même que pour la tournée?

LJC: Oui avec une section de cuivre formée de musiciens classiques et puis mon frère qui vient toujours mettre un peu de violon dans le mix. J’essaie toujours de le ploguer quand je fais de quoi. Mais oui, c’est la même gang. Je suis un gars de long terme. J’aime ça travailler avec des gens qui me connaissent, ils sont moins gênés de te le dire quand c’est mauvais. Tu joues un bout que tu n’es pas sûr pis là Adèle (Trottier-Rivard) te regarde pis elle te fait signe que non. Tu le sais tout de suite que tu peux lui faire confiance. Mais j’aime quand même travailler avec des nouveaux musiciens, mais je suis un «bandmate», je pense. J’ai aussi des collaborateurs vraiment le fun, Marie-Pierre et Olivier Langevin sont venus faire leur tour. Martin Léon m’a aidé à dénouer les mots sur une toune et Daniel Beaumont a continué d’écrire avec moi. Saint-Michel et Deux saisons trois quarts, c’est parti de lui, pis j’ai intégré des trucs.

LP: J’ai aussi trouvé la réalisation différente.

LJC: C’est surtout que tout le monde s’est mêlé des arrangements et puis Pierre Girard a mixé. Pierre joue beaucoup sur le son de l’album. Je ne veux rien enlever à Ghislain-Luc Lavigne qui a fait Le treizième étage, même qu’on s’est basé deux, trois fois sur son travail pour aller chercher du large et du gros. On s’est pas mal promené pour enregistrer, on est allé dans un chalet à Saint-Zénon, chez Pierre, au Piccolo. Mais la direction artistique n’était pas fixée au début de l’enregistrement, elle s’est imposée d’elle-même dans le travail. Je n’ai pas vu venir le banjo pis les cuivres, mais il y en a sur onze des treize tounes. C’est une surabondance pour répondre à l’austérité !

LP: Parlons-en d’austérité, t’as quand même deux ou trois pièces dépouillées.

LJC: C’est surtout les gens autour qui me disaient que c’était meilleur en format minimaliste. On ajoutait des trucs pis c’était moins efficace.

LP: Finalement, qu’est-ce que tu écoutes de ces temps-ci?

LJC: Le nouveau Elvis Perkins m’est vraiment rentré dedans. J’ai acheté le dernier of Montreal, mais je ne suis pas rentré dedans encore. J’ai surtout un petit faible pour Antoine Corriveau, je l’aime bien. J’ai aussi racheté des vieilles affaires telles que Exile On Main Street des Stones, Rumours de Fleetwood Mac pis Electric Warrior de T.Rex. Le dernier de Jean Leloup aussi, je l’ai trouvé bon, mais le dernier de Perkins me fascine.

LP: Merci Louis-Jean.

LJC: Merci.

http://louisjeancormier.com