A Perfect Circle
13 ans plus tard, un album toujours pertinent?
From dehumanization to arms sitedemo.cauction,
To hasten the nation towards its destruction
Power, power, the law of the land,
Those living for death will die by their own hand,Life’s no ordeal if you come to terms,
Reject the system dictating the norms
— Annihilation
C’est sur ces dures paroles que s’entamait le troisième album d’A Perfect Circle, eMOTIVe. Voilà bien 14 ans que l’album a atteint les tablettes (parce qu’à l’époque, on achetait encore beaucoup de cds). Cette charge politique acerbe et cette remise en question du mode de vie occidentale sont-elles toujours pertinentes? Avons-nous collectivement fait un bout de chemin dans la bonne direction?
Il faut se remettre dans le contexte politique américain de l’époque. Georges W. Bush terminait son premier tour en tant que président. Les États-Unis avaient été foudroyées par les attaques du 11 septembre 2001 qui ont fait 2 977 victimes. Pendant que le symbole de l’empire financier américain s’écroulait sur lui-même, les droits des citoyens en prenaient pour leur rhume. Le groupe A Perfect Circle n’avait pas du tout envie de retrouver Georges W. Bush et son Patriot Act pour un deuxième mandat. C’est pourquoi la formation s’est hâtée de terminer la sitedemo.cauction de l’album avant l’élection présidentielle. Une élection qui allait de toute façon se terminer sur l’élection, non sans controverses, de Bush.
Pour faire passer son message, APC a préféré s’en remettre aux mots d’autres artistes et de deux reprises de leur propre répertoire. Cette collection de reprises prend un biais quasi apocalyptique comme le démontre éloquemment leur version noire d’Imagine de John Lennon. En changeant les accords de piano pour des accords mineurs, rajoutant une batterie très présente, des cordes stridentes et le chant las de Maynard James Keenan, on se retrouve devant une version beaucoup plus pessimiste. Comme si la promesse d’un futur lumineux était maintenant loin, bloquée par les nuages d’un hiver nucléaire (allo, Kim Jung-Un!).
https://www.youtube.com/watch?v=dunKAwRN3P8
Le groupe trafique parfois les paroles pour servir son message. En reprenant People Are People de Depeche Mode, modifie légèrement le refrain pour donner :
People are people so why should it be?
You and I shouldn’t get along
People are people so why should it be?
You should hate me
— People are People
Parmi les chansons qui se voient sensiblement modifiées par l’approche d’APC, When the Levee Breaks de Led Zeppelin détient une place de choix. La version éthérée, quasi fantomatique de la chanson jure avec la version originale, mais d’une manière hautement délicieuse. Le groupe reprend aussi Freedom of Choice de Devo qui incarne l’idéologie et les raisons derrière eMOTIVe. Maynard James Keenan s’est souvent prononcé sur l’importance de réfléchir pour soi-même, croyant que cela amènerait un changement de garde à la maison blanche.
Le groupe reprend aussi deux chansons de leur propre répertoire. Counting Bodies Like Sheep to the Rythm of the War Drums est un remix de la chanson Pet sur Thirteenth Step, leur précédent opus. L’autre est une reprise de Vacant du projet Tapeworm qui comptait parmi ses rangs des membres de Nine Inch Nails, dont Trent Reznor et Maynard James Keenan.
“Dead as dead can be,” my doctor tells me
But I just can’t believe him, never the optimistic one
I’m sure of your ability to become my perfect enemy
Wake up and face me, don’t play dead cause maybe
Someday I will walk away and say, “You disappoint me,”
Maybe you’re better off this way
— Passive
Alors qu’A Perfect Circle s’apprête à jouer à la Place Bell de Laval, le 14 novembre prochain, c’est curieux de repasser sur eMOTIVe et se rendre compte du peu de changements dans la situation politique. À l’époque le groupe dénonçait Georges W. Bush, aujourd’hui c’est Donald Trump, le champion des tweets qui est à la tête de l’empire américain. Tourné résolument vers la guerre et l’affrontement, le président des É.-U. met de l’avant des politiques très critiquées. On peut penser aussi à l’état français qui a imbriqué dans son droit commun des mesures d’urgence qui peuvent servir à suspendre les droits des citoyens. Censée être utilisée dans des situations extraordinaires, cette banalisation du pouvoir pourrait s’avérer très dangereuse entre les mauvaises mains. Au Québec, alors que des pas ont été pris dans la bonne direction par le gouvernement canadien face à la légalisation de la marijuana, le gouvernement Libéral refuse au citoyen le droit de faire pousser leur plant à la maison. À qui cela profitera-t-il? C’est une question intéressante. N’est-ce pas le crime organisé qui pourra rapidement légitimer ses opérations, qui pourra prendre le relais et blanchir son argent à travers des dispensaires?
Le constat est gris lorsqu’on regarde l’avancée du droit commun un peu partout sur la planète. Voilà pourquoi, même après 13 ans, eMOTIVe n’a pas pris une ride. Heureusement, il restera toujours cette reprise d’Elvis Costello :
As I walk on through this wicked world,
Searching for light in the darkness of insanity,
I ask myself, Is all hope lost?
Is there only pain, and hatred, and misery?And each time I feel like this inside,
There’s one thing I wanna know,
What’s so funny ’bout peace, love, and understanding?,
What’s so funny ’bout peace, love, and understanding?
— (What’s So Funny ‘Bout) Peace Love and Understanding