Drake vs Kendrick Lamar : ligne du temps de leur relation
Il était une fois deux rappeurs riches et célèbres, Drake et Kendrick Lamar, lesquels n’ont à ce jour plus nécessairement quelque chose à prouver autre que de se renouveler. La bisbille qui les oppose s’annonçait comme un show de boucane qui passerait tel un éclair, mais non. Les feux sont allumés et sont peu près de s’éteindre. Voici une ligne du temps de leur relation, de leur rencontre à cette période fourrière.
Ce qui se passait dans l’antichambre se voit depuis quelques semaines révélées au grand jour avec la parution de plusieurs diss track d’un côté comme de l’autre. Qu’on en absorbe ou non leurs échos, il n’en demeure pas moins que le sujet est captivant non seulement pour ce qu’il est, mais aussi pour tout ce qu’il apporte en termes de réflexions et d’attention de toutes parts. Sans savoir quelle sera la suite, on sait que ça n’a pas toujours été comme ça; avant de jouer à se disséquer, les deux rappeurs partageaient gaiement le même carré de sable, c’est-à-dire la première classe d’un jet vers la gloire. Les deux se sont bien rendus, mais dans des avions séparés. De 2011 à 2024, voici le trajet commun de ces deux artistes qui se lancent désormais sans nuances des insultes qu’on ne sait plus croire.
2011-2012
En 2011, Drake invitait chaleureusement Kendrick Lamar, au plus fort de Section 80 paru cette année-là, à faire apparence sur son album à venir : Take Care. Buried Alive Interlude s’est ainsi immiscée dans ce projet qui, objectivement, semble être celui qui a propulsé la carrière du rappeur torontois. Puis en 2012, Drake a envoyé une invitation à A$AP Rocky ainsi que Kendrick Lamar pour sa tournée Club Paradise. S’en ai suivi de Fuckin’ Problems, une chanson de Rocky où figurent notamment le fameux duo. Question de se renvoyer la balle, c’est cette fois-ci Drake qui apparaît dans une des meilleures pièces de Kendrick Lamar, c’est-à-dire Poetic Justice sur good kid, m.A.A.d city.
2013
C’est cette année-là qu’apparaissent les balbutiements de discorde entre les deux rappeurs. Alors que Kendrick est sur un siège bien réchauffé suite à l’indéniable réception et popularité de son plus récent opus, il se permet un dépassement au sujet de plusieurs rappeurs dont Drake sur la chanson Control de Big Sean en collaboration avec Jay Electronica : « I got love for you all, but I’m trying to murder you niggas/ Trying to make sure your core fans never heard of you niggas/ They don’t want to hear not one more noun or verb from you niggas ».
Dans la même année, Lamar et d’autres membres de TDE se pointent à la cérémonie BET du hip-hop où ils participent au cypher. Le rappeur californien, sur les vibrations de Shook Ones, lance des flèches à Drake : « Nothing’s been the same since they dropped ‘Control’/ And tucked a sensitive rapper back in his pajama clothes/ Ha ha joke’s on you, high-five… I’m bulletproof/ Your shoots never penetrates/ Pin the tail on the donkey, boy you been a fake».
2014 – 2023
Entre ces années, on avance que peu de choses concrètes ont été mises de l’avant. Autrement dit, ce n’est pas avant la fin 2023 que s’est solidifié ce conflit et surtout, qu’il a pris l’ampleur que l’on constate. Entre-temps, ce sont quelques lignes et punchs dirigés ici et là, notamment sur Language du côté de Drake ou encore sur King Kunta du côté de Kendrick Lamar, que l’on pourrait évoquer comme potentiels signaux d’altercation entre les deux rappeurs, mais sans plus.
2023-2024
C’est vraiment dans les 8 derniers mois que tout a déboulé sur le sujet. Tout a commencé lorsque la chanson First Person Shooter, collaboration de J. Cole et de Drake, a atterri au sommet du top 100 et que les deux rappeurs en question ont commencé à parler du Big 3, ajoutant Lamar au sommet de leur prétendue royauté dans le hip-hop. Bien que cela puisse sembler flatteur, le 22 mars 2024 nous a démontré que Kendrick Lamar ne voyait pas les choses en ce sens en relâchant ceci sur Like That, collaboration sur l’album de Metro Boomin et Future, : « Motherfuck” the big three, nigga, it’s just big me ». Puis, en référence à l’album de Drake For All The Dogs, Kendrick ajoute : « For all your dogs gettin’ buried/ That’s a K with all these nines, he gon’ see Pet Sematary ». Avec cette chanson, les hostilités ont monté en flèche, menant à ce qu’on a autant pu observer en si peu de temps, c’est-à-dire une partie de squash où la balle crie à l’insulte et toutes sortes d’allégations.
22 mars 2024 – 5 mai 2024
Suivant Like That, 7 Minute Drill de J. Cole aura vite été retirée, le rappeur avouant respecter Kendrick Lamar et ne pas vouloir correspondre à ce genre de tirade. Push Ups de Drake paru le 19 avril est donc une première réponse officielle du rappeur dans ce moment phare du duel. Cette chanson évoque notamment la stature moyenne de Kendrick Lamar, notamment la taille de ses chaussures à titre de couverture du simple. Le Torontois en profite également pour effleurer quelques artistes comme Rick Ross et The Weeknd, lesquels ont pris le côté du Californien. Puis est venue le 24 avril la fameuse trame Taylor Made Freestyle, une autre diss track de Drake envers Kendrick, mais avec une touche maintes fois plus épicée que la première alors que ce dernier a employé l’IA afin de reproduire les voix de Tupac et de Snoop Dogg question de soutenir les propos de la chanson, lesquels évoquent la déception des deux icônes et de Drake vis-à-vis de l’attitude et des manques de Kendrick.
La réponse acerbe de Kendrick Lamar n’aura pas tardé à venir avec Euphoria et 6:16 in LA le 30 avril et le 3 mai respectivement. Sur ces deux trames, le rappeur de l’Ouest critique plusieurs éléments de celui du 6 comme son utilisation du mot en N, son style vestimentaire et surtout, dans la seconde, de ses relations proches et la manière dont ils et elles se tournent du côté de Kendrick.
La même journée que 6:16 in LA, soit le 3 mai, en paraît une nouvelle du côté de Drake : Family Matters, une critique bien creusée de la supposée relation fragmentée et infidèle entre Lamar et sa femme Whitney Alford. Puis, à cette même date, Kendrick répond avec Meet The Grahams, laquelle se résume à traiter Drake de menteur compulsif en plus de lui remettre ses dépendances au nez.
On sent qu’avec les plus récentes sorties, ce périple tire à sa fin. Avec Not Like Us le 4 mai, Kendrick Lamar est venu clouer une bonne partie du bec de Drake en évoquant la pédophilie, sans preuve tangible cependant : « Say, Drake, I hear you like ’em young/ You better not ever go to cell block one/ To any b—- that talk to him and they in love/ Just make sure you hide your lil’ sister from him, » ou encore « Certified Lover Boy / Certified pedophiles ». En guise de réponse à tout ça, Drake, au lieu de continuer à mettre de l’huile, s’est plutôt contenté de se mettre dans une position d’extinction, autrement dit sur la défensive et le reniement, tout en lançant quelques dernières gouttes sur Lamar sur plusieurs sujet déjà abordés avec The Heart Pt. 6.
Si seulement, tout comme au début du vidéo de Poetic Justice, nous pouvions dire : « Tous les personnages de ce visuel sont entièrement fictifs. Les événements qui se produisent sont purement symboliques et ne doivent pas être pris au pied de la lettre». Est-ce une manière de nous dire qu’ils préparent un album collaboratif? Si tel est le cas, ce serait tout un plot twist.
En réponse à ce qui se passe, Vince Staples a tout récemment déclaré lors d’un événement en Californie que [en parlant des artistes noirs] : « Nous sommes exclus de nos contrats, nous sommes exclus de nos maisons de disque, il n’y a aucune maison de disque, en fait, qui soit incité à signer de la musique noire », a-t-il déclaré. « Alors que Taylor Swift se bat pour que les gens puissent pour avoir de l’argent en écoute en ligne, les noires sont sur internet en train de se disputer à propos de conneries de rap ». Puis il rajoute : « Personnellement, je pense que nous valons mieux que ça. Je pense que nous méritons mieux que cela, parce que nous disons depuis des décennies que nous voulons que les gens respectent la musique noire, l’art noir et les noirs, et je pense que pour que cela se produise, nous devons nous respecter nous-mêmes.
Dans un texte sur Pitchfork Alphonse Pierre a écrit :
« Je sais que le rap-beef n’est généralement pas le lieu de se déchirer moralement, mais cela semble au-delà de cela. Surtout à un moment où le hip-hop semble déjà avoir besoin d’un compte rendu depuis longtemps, alors que Russell Simmons se cache à Bali et que les dossiers de Diddy s’accumulent ; alors que l’agresseur présumé Dr Dre, ancien mentor de Kendrick, s’approche du statut de milliardaire ; en tant qu’agresseur reconnu coupable, Kodak Black, qui figurait en bonne place sur le dernier album de Kendrick, est toujours une mégastar ; tandis que le soutien à Tory Lanez, qui est assis derrière les barreaux pour avoir tiré des coups de feu sur Megan Thee Stallion, est toujours d’une voix assourdissante, y compris de la part de Drake. Ils pensent que nous ne nous soucions pas vraiment d’autre chose que des blagues et du trolling ».
Les réactions vont aussi loin qu’au Québec, alors qu’Aba N Preach ont aussi publier une vidéo sur les allégations qui concernent Drake.