La Noce: retour sur un excellent festival
La voix éraillée, les épaules hâlées, les yeux cernés, le sourire étampé au visage : j’ai survécu à la Noce de cuir. Plus encore que l’excellence de la programmation, c’est l’ambiance sur le site du festival qui charme. Le marathon de spectacles de trois jours au cœur de la ville de Saguenay (Chicoutimi pour les intimes) rivalise d’ingéniosité pour renouveler le concept du mariage. Pour cette troisième édition, on marie arts visuels et musique, projections de courts-métrages et popsicle, slush et rhum Chic Choc. Le tout, avec fond de fjord pour combattre la canicule.
Jeudi — Jour 1
Je suis arrivée juste à temps pour la prestation de Jesse Mac Cormack, qui défendait son premier album, Now. Avec très peu de mots pour la foule, Mac Cormack a démontré le potentiel plus rock de sa musique, lui qui avait surtout offert des EP folks. Suivait une soirée nostalgie, où Vincent Vallières jouait ses albums Le monde tourne fort et Le repère tranquille. Après deux pièces, j’ai choisi de tester le karaoké d’un bar d’habitués, le Piano Bar. Quelques classiques derrière la cravate, je me suis dirigée vers un autre classique, celui de mes années collégiales: La Patère Rose. Le Summum était plein à craquer pour le retour du trio Fanny Bloom-Thomas Hébert et Julien Harbec (de Misteur Valaire), 10 ans après la parution de leur seul et unique album éponyme. Après m’être étonnamment souvenue de trop de paroles, j’ai titubé, avec mes amies festivalières, vers Jesuslesfilles dans la salle au tapis gris de la Marina. Il faisait chaud et ça dansait ferme.
Vendredi — Jour 2
Vendredi, la journée festivalière a commencé en fin d’après-midi avec Foubarasse, un projet de musique expérimentale incluant une flûte faite en PVC. Sous la canicule, le voyage sonore s’effectuait couché sur des coussins en forme de melon d’eau ou dans des chaises berçantes de rotin de l’espace relaxation de la Noce. Pour enfin nous secouer les sangs, la Saguenéenne d’origine Poulin a livré un rock rappelant le meilleur de Marjo. J’ai profité des spectacles suivants pour visiter les installations d’arts visuels du site, dont l’excellent conteneur projetant l’œuvre «Similicuir», mettant en vedette des cuisses et des mains se décollant de sièges de cuir suintants.
Retour en mode spectacle. Le groupe du Nigéria, Mdou Moctar, a fait danser le public. Suivait Naya Ali en grande forme : «L’an dernier, je faisais du marketing de 9 à 5, maintenant, je suis une rap star!». Son enthousiasme est contagieux, mais j’aurais bien préféré ne pas entendre sa voix dans l’enregistrement en arrière-plan. Pierre Kwenders s’est ensuite déhanché, au plaisir de trois garçons devant moi qui en bavaient pour lui clairement. La prestation impeccable valait le détour. Sur la scène principale a bondi Les Louanges. Son charisme déborde, la qualité de sa musique se transpose à la scène parfaitement. Un coup de cœur.
Les spectacles dans la zone portuaire, le cœur du festival, se terminant sur les coups de 23 heures, les festivaliers et festivalières ont pris les navettes ou leurs pieds (ou trottinettes) pour se rendre aux «afters» ailleurs en ville. J’ai choisi de rester dans un certain R&B en allant découvrir Heartstreets, mais j’ai rapidement quitté le voyage dans le temps des années 1990 pour tenter une percée dans le sous-sol du bar à Piton. La foule compacte et le mur de chaleur nous ont renvoyés illico au rockabilly de Bruno Rodéo. Pas grave, il fallait garder des forces pour la dernière journée, et surtout pas la moindre.
Samedi — Jour 3
Philippe Brach était prêt à célébrer la grand-messe avec ses musiciens coiffés de chapeaux rouges à pois blancs avant même l’heure de l’apéro. En terrain conquis, Brach a joyeusement livré ses chansons et a même chanté un duo et échangé un baiser avec la mariée géante. Quelques minutes plus tard, Julien Sagot et sa bande ont offert un rock indé expérimental un brin irrévérencieux. Simon Angell (Thus Owl) est monté sur scène jouer de la guitare pour deux pièces. À un moment, Sagot s’est mis à jouer lui aussi sur la guitare d’Angell. Belle complicité.
Sur la grande scène, j’ai découvert Laurence-Anne d’une nouvelle oreille. Sa prestance assurée lui a permis de remplir l’immensité, malgré une foule clairsemée. Munya, quant à elle, a rempli l’espace de la petite scène de sa voix aiguë rappelant celle de Molly Rankin d’Alvvays. Ses tantes l’ont rejointe sur scène pour une pièce où elles ont dansé en ligne. Ensuite, j’ai assisté au «faux mariage, mais vrai bonheur» de festivalières sous la tente/chapelle de La Noce. Gab Paquet jouait le maître de cérémonie et faisait jurer l’amour éternel sur le Kama sutra. Pour clore l’union, il a entamé une version modifiée de «Maman, maman, bébé, amour».
Le Néo-Zélandais d’origine Connan Mockasin a ravi les festivaliers avec son rock psychédélique sympathique. Après la pause souper parmi les foods trucks de la zone portuaire, j’ai laissé les tambours de Yonatan Gat & the Eastern Medicine me rentrer dedans. Puis, sous la lune en fin croissant, j’ai dansé accompagné des voix cristallines de Milk & Bone. Pour terminer d’épuiser l’énergie restante dans mes jambes, Kid Koala a fait tourner ses vinyles sur ses trois tables de mixage avec le doigté qu’on lui connaît. Tandis que le vent frais du fjord avait réussi à chasser la canicule, je me suis donné rendez-vous pour la Noce de froment l’année prochaine.
La Noce, c’est un magnifique festival.