Steve Gunn
Eyes On The Lines
- Matador Records
- 2016
- 42 minutes
Fin 2014, sous la recommandation du collaborateur Mathieu Robitaille, je prête l’oreille à Way Out Weather et je flippe complètement sur le folk rock de poteux de celui qui a longtemps été l’accompagnateur en chef de Kurt Vile. Début 2015, Steve Gunn s’associe à cette bande de «folkeux» déjantée que sont les Black Twig Pickers et propose un disque de folk grinçant «possédé du démon». La semaine dernière, Gunn était de retour avec un nouvel album en mode solo, titré Eyes On The Lines, création mise en marché par la réputée maison de disques états-unienne Matador Records. Gunn a enfin l’opportunité de propager son art à un plus grand nombre d’adeptes.
Difficile de catégoriser clairement ce que crée le barde. Avec Gunn, on est dans un folk rock labyrinthique, un brin psychédélique où les motifs de guitares inventifs/répétitifs se marient merveilleusement bien aux mélodies de «slacker» confectionnées par le bonhomme. Comme si Wilco et Kurt Vile avaient enfanté un talentueux poupon.
Sur Eyes On The Lines, on redécouvre une nouvelle fois l’immense talent de Gunn qui multiplie les superpositions de guitares et les riffs en boucle. L’effet hypnotique est demeuré intact si on compare avec son travail antérieur. Là où Eyes On The Lines se différencie de ses prédécesseurs se situe au niveau mélodique. Sur cet aspect, Gunn prend de l’assurance, est nettement plus juste et s’assure d’être aussi efficace qu’intelligible. Certains y verront un désir de fédérer, mais en ce qui me concerne, j’y perçois surtout un artiste en pleine possession de ses moyens, mélodiquement parlant.
Dès les premières écoutes, l’apparente sobriété des structures chansonnières désarçonnent, mais par la suite (et fidèle à son habitude) le compositeur séduit subtilement. Encore une fois, ce qui m’a stupéfié, c’est que la musique de Gunn est bourrée de magnifiques abstractions. Par exemple, sur l’excellente Ancient Jules, un clavier donne signe de vie à mi-parcours et s’éclipse pour ne plus jamais revenir. Simple, beau et efficace. Derrière la répétitivité des motifs guitaristiques se camouflent une finesse et un raffinement dont peu de musiciens peuvent se vanter. Bref, le gars est un arrangeur hors pair!
Eyes On The Lines est parfait pour un long périple de char, les fenêtres baissées, les cheveux dans le vent, vers une destination paisible. Et si vous portez attention aux titres des pièces et si vous visionnez le vidéoclip publié en bas de page, vous comprendrez parfaitement pourquoi ce disque en est un de «longue ride». C’est tout bon! Parmi mes préférés? En plus d’Ancient Jules, les Full Moon Tide, Conditions Wild, Nature Driver, le riff arpégé en introduction d’Heavy Sails ainsi que cette espèce de valse psychédélique titrée Park Bench Smile représentent le nec plus ultra de cet excellent disque.
Gunn nous refait le coup avec un disque plus direct, parfaitement assumé, qui élargira assurément son bassin de fans. Le gars le mérite amplement. Sans blague, Kurt Vile est très cool, mais Gunn est un musicien nettement plus doué. Et quand on fait référence à une musique intemporelle, anti-ringarde, pertinente et inventive, le folk rock de Steve Gunn vient se hisser haut dans mon palmarès personnel… du moins, en ce qui me concerne. Indémodable.
Ma note: 8,5/10
Steve Gunn
Eyes On The Lines
Matador Records
42 minutes
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