Critiques

Klô Pelgag

Abracadabra

  • Secret City Records
  • 2024
  • 42 minutes
9
Le meilleur de lca

Est-ce que Klô Pelgag est magicienne? Quand on regarde son parcours et l’absence d’erreur, on dit : coudonc, il y a certainement de la prestidigitation. Mais on ne se tanne pas de la voir nous refaire le même tour, nous ensorceler avec des pièces qui surprennent par leur absence de surplace. Avec quatre albums à son actif, Pelgag continue de livrer des pièces qui sont fraîches, qui gardent à la fois certains éléments qui nous charment de sa manière d’approcher l’écriture tout en s’assurant de ne pas être là où on pourrait l’attendre.

Pour Abracadbra, Klô Pelgag a aussi assumé le rôle de réalisatrice en plus d’arrangeuse et évidemment d’autrice-compositrice-interprète. Malgré l’absence de Sylvain Deschamps à ses côtés, et malgré les doutes qu’elle pouvait entretenir ou les frustrations qu’elle a pu vivre au cours du processus, elle accouche d’un album qui porte une signature cohérente et un traitement qui fait honneur à la qualité des textes et des compositions qu’elle y glisse.

Quand je dis qu’on retrouve des côtés qu’on aime de Klô Pelgag, je parle du piano doux qui soutient Sans visage et qui mène la charge, ainsi que les « oh oh oh » qui ont encore un lien de filiation avec ceux qu’on entendait sur Les maladies du cœur sur son EP de 2012. Ce n’est pas la seule chose qui rappelle le passé, il y a aussi ces paroles :

Je vais te contredire
T’es pas une ogive nucléaire de destruction massive
Veux-tu toujours me suivre?
Je te ferai tourner dans la grande roue de Tchernobyl
Sans visage

Cette référence directe à Marie Curie de VioleTT Pi, son partenaire de vie, offre une lecture un peu plus personnelle de la pièce qui illustre les moments de doute d’un couple. Merci à la collègue Aurore Davignon d’avoir soulevé en premier le lien entre les deux chansons. D’un autre côté, il y a l’ajout de ces enregistrements de terrain que Klô Pelgag ajoute ici et qui parsème l’album. Bref, il y a à la fois un lien avec le passé sur Abracadabra et quelque chose qui avance résolument.

Il y a d’abord l’omniprésence des synthétiseurs qui sont encore plus au centre des sonorités que sur Notre-Dame-des-Sept-Douleurs. C’est vrai dès les premières notes de Le sang des fruits rouges qui ouvre l’album. Ça se poursuit dans Pythagore alors que des sonorités près du bruit du tonnerre par un orage d’été accompagnent simplement la voix de Pelgag.

Même si Abracadabra est un album extravagant et grandiose à bien des égards, il y a aussi une retenue que démontre Klô Pelgag. Elle sait quand beurrer épais et quand il le faut laisser un peu de place à la musique. C’est le cas sur la magnifique Le goût des mangues où essentiellement son piano et sa voix font l’essentiel de la chose. Il y a bien sûr quelques petites sonorités et des cordes qui l’appuient, mais c’est d’abord avant tout la simplicité qui gagne ici. C’est vrai aussi au début de Les puits de lumière qu’elle a décidé, de son propre aveu, de troller. Malgré cela, on est loin de la violence de ce qui peut se dire en ligne et les arrangements donnent juste un petit peu plus de grandeur à cette pièce à la mélodie fort efficace.

Il y a tout de même des moments où Klô Pelgag s’en va dans de nouveaux territoires sonores sur Abracadabra. C’est vrai pour l’excellente et dansante Deux jours et deux nuits qui pourraient jouer dans une soirée dansante. Décembre offre aussi de magnifiques moments où Klô Pelgag passe sa voix dans des filtres au refrain. Ça marche. Libre, le premier extrait sorti de l’album nous donnait un avant-goût avec ses synthétiseurs qui semblent venus de l’espace.

J’ai retourné Abracadabra de tous les côtés pour lui trouver des défauts. Ça vient lassant de donner des notes exceptionnelles à la même artiste. Mais… il faut savoir rendre les armes parfois. Abracadabra est un bijou signé Chloé Pelletier-Gagnon qui démontre une fois de plus à quel point elle est dédiée à son projet artistique et sa volonté de recherche constante pour réussir à exprimer, à travers des textes poétiques, ses émotions. Rami Renno (le sonorisateur de Klô Pelgag) me demandait si c’était son meilleur, il y a quelques jours. Je peine encore à répondre à cette question, non parce que je doute de l’excellence d’Abracadabra, mais bien parce que le corpus de Klô Pelgag est d’une qualité impressionnante.

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